Les notes de Koudraogo

Présidentielle 2020 : quelques observations

1/ Les « one man band »

L’expression anglaise « one man band » signifie, un orchestre a une personne. Sur la douzaine de candidats à peine 3 peuvent s’appuyer sur une organisation d’envergure nationale : le MPP, le CDP et l’UPC. Les autres sont appuyés par de jeunes organisations peu connues sur le territoire national et dont les autres cadres et animateurs sont encore moins connus ! Mais n’est-ce pas ainsi que fonctionne la politique au Faso ? Hormis le MPP à une moindre mesure, existe-t-il dans notre cher Faso un parti qui ne soit pas bâti autour du culte de la personnalité de son leader ? Nous avons vu le CDP pendant des années. Nous voyons les déboires de l’UPC tous les jours, et non loin de chez nous, nous voyons comment le RHDP risque la stabilité du pays en Côte d’Ivoire : une personne toute seule ne peut faire un parti, encore moins un pays ! La contribution citoyenne à la bonne marche d’un pays ne se résume pas seulement à la vie politique, encore moins à la magistrature suprême ! Personnellement, je suis fort étonné de voir des gens qui n’ont jamais rien contribué (à ce que je sache) au dialogue national, mais qui subitement se lancent dans la course vers Kosyam ! Il faut éviter de courir après Kosyam comme un chien après une voiture ! Qu’en ferait-il s’il la rattrapait ?

2/ Les leçons du passé que nous ignorons !

L’on se rappelle tous des 15 395,4 milliards de coûts du PNDES ! Le plan de l’UPC à l’époque avait un coût similaire. Avançons 5 ans plus tard pour faire les constats qui suivent :

  • L’État burkinabè n’a pu mobiliser que 5 939,7 milliards
  • Les partenaires du Burkina ont contribué 4 013,6 milliards
  • Seuls 9 953,3 milliards ont été mobilisés, soit 64,7 %

La leçon : suivant le dicton en mooré, « Qui dort sur la natte d’autrui, dort à même le sol » ! Mais vraisemblablement, nos hommes politiques n’ont pas tiré la même conclusion, puisque, au lieu de nous dire dans leurs programmes respectifs comment ils comptent rehausser l’assiette fiscale pour financer leurs programmes, ils ont tout simplement omis le coût de leurs programmes : un reculement terrible à mon avis ! Sans contraintes financières, l’on ne peut qu’assister à des promesses démagogiques, les unes plus que les autres ! Je veux ici exhorter la presse à se faire l’écho du citoyen et à exiger de nos hommes politiques qu’ils nous disent combien leurs programmes coutent et surtout comment ils comptent le financer. Seulement ainsi, pourrons-nous distinguer entre ceux qui dorment encore sur les nattes des autres et ceux qui ont compris la leçon et ont travaillé à trouver des alternatives.

3/ Une certaine paresse intellectuelle chez certains faiseurs d’opinion

La campagne électorale n’a pas fini de produire ses perles sur les réseaux sociaux. Cependant, c’est sur des idées tournées en dérision par certains que je voudrais revenir pour pousser la réflexion juste un peu plus loin :

  • la transformation du lait : une suite plus ou moins logique à partir du moment où on a développé les laiteries villageoises depuis des années. Le Burkina continue d’importer des produits laitiers pendant même qu’une bonne partie de sa propre production va en perte du simple fait de l’absence de transformation. N’est-ce pas une honte que les bébés burkinabè, dès leurs berceaux contribuent déjà à l’économie de pays comme la Suisse par leur consommation de produit laitier pour enfants ? Le Burkina a-t-il besoin d’importer de France le lait frais que l’on vend dans les supermarchés ? Le fameux Bonnet Rouge/Bleu a-t-il besoin d’être importé de Hollande pour servir le petit déjeuner de millions de burkinabè chaque matin ?

Alors, ce n’est pas démagogique de parler de transformation du lait. Le débat ici, se situe ailleurs, celui de l’accès au marché. Le marché burkinabè n’est pas suffisamment protégé pour permettre à des investisseurs de s’installer. De plus, que fait-on pour développer la consommation du lait ? Par exemple, dans certains pays d’Europe, l’État accordait un verre de lait à chaque écolier chaque matin pour non seulement développer la filière mais aussi combattre la malnutrition ! Même en Chine où comme au Burkina, la consommation de lait n’était pas dans les habitudes culinaires, l’État a introduit le lait pour lutter contre la malnutrition. Aujourd’hui, la Chine est l’un des plus grands importateurs de lait ! Un pays comme le Burkina devrait être en bonne position pour profiter de cette opportunité et engranger des devises.

  • Un fonds monétaire burkinabé : dépassons la faute de forme et parlons plutôt du fond : une banque d’investissement. Cela fait des années que je ne cesse d’en parler ! Pour lancer l’économie du pays, il faut impérativement faciliter l’accès au crédit. Le circuit bancaire de la BCEAO est trop rigide. La mission de la BCEAO est de maîtriser l’inflation dans les pays membre. Une tâche bien difficile vue les grandes disparités entre les pays. Le Burkina n’ayant pas sa propre banque centrale, ne peut donc pas fixer lui-même ses taux d’intérêt pour répondre aux conjonctures économiques propres au Burkina. La Cote d’Ivoire étant le pays le plus puissant de la zone monétaire, est en même temps le pays qui influence le plus la politique de la BCEAO. Avec l’Eco, ce sera le Nigeria ! Dans un tel contexte, tout pays de la zone a 2 choix : frapper sa propre monnaie et donc se retirer de la zone monétaire, ou alors trouver des solutions pour contourner les rigueurs que la monnaie commune impose.  J’opterais personnellement pour que le Burkina frappe sa propre monnaie (comme le Ghana) si particulièrement certaines réformes ne peuvent être faites à la BCEAO : une indépendance réelle de la banque centrale, une présidence ouverte (pas réservée à un pays spécifique). À défaut, une banque nationale d’investissement qui offrirait des prêts plus facilement, à des taux d’intérêt plus favorables est une très bonne idée et tant pis pour ceux qui se moque de M. Soma !
  • Les canaux de Diabré : c’est exactement ce qui a été fait en Europe aux 18e et 19e siècles, où des canaux ont été construits, parfois reliant des fleuves, parfois non, pour aussi bien le transport des marchandises, l’alimentation des moulins et autres industries qui fonctionnaient à la roue. Le canal a été un moyen efficace de développement dans beaucoup de pays. Seulement, au Burkina, le transport fluvial est entièrement inexistant, et y ajouter des canaux n’y changera rien. Il faut aussi noter que le Burkina est à presque 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, chose qui n’est pas faite pour faciliter les choses. Aussi, à moins d’annexer un pays voisin, il serait difficile d’aller commencer à mettre une brèche sur leur territoire sous prétexte de faire venir la mer au Burkina. Mais, regardant au-delà des difficultés techniques, l’idée a du mérite si l’on considère que le Burkina est un pays aride, et qu’il faut trouver des solutions pour résoudre le problème d’eau potable aussi bien pour la consommation que pour l’agriculture. Dans ce contexte, on pourrait bien voir notre voie ferrée sur Abidjan commencer à transporter des tonnes d’eau salée (nous le faisons déjà pour le carburant) vers des stations de désaliénation, puis des canaux qui transporteront l’eau potable à travers nos terres arides pour les bénéfices des ménages, de l’agriculture, et de l’élevage. Beaucoup de régions arides de notre planète, aux USA et en Australie envisagent déjà des projets similaires. Pourquoi serions-nous en reste ?

4/ La réconciliation nationale

Personnellement, je ne suis fâché contre personne. J’ai fait la révolution de 2014, je ne m’en répands point ! S’il existe des Burkinabè qui m’en veulent pour avoir fait la révolution en 2014, tant pis pour eux. On avance, sans eux s’ils le préfèrent. Au Burkina, nous sommes même allés jusqu’à créer la ridicule « journée du pardon ». Qu’avons-nous gagné en le faisant ? Le monument du pardon ? Ne l’avons-nous pas rebaptisé pour nos martyrs ?

Toute action a des conséquences. L’heure est venue pour le Burkina-Faso, en tant pays d’accepter cela. C’est seulement à ce prix que nous pourrons assainir la vie et le débat public dans notre pays. Il faut éviter à chaque fois que notre histoire se corse, de faire des exceptions, de dire une grand-messe pour absoudre tout le monde. Cela marche peut-être à l’église, au temple ou à la mosquée, mais pas dans la vie publique. Le droit doit être dit. Le justiciable, doit voir que justice est faite. Ceci ne peut être marchandé dans un pays de droit. Aux USA où ce même besoin d’apaisement s’exprime, personne ne s’apprête à créer des commissions pour exonérer les uns et les autres, au contraire ! La seule façon d’apaiser une situation, c’est d’accepter que le droit prime et que justice soit faite.

5/ Yacouba Isaac Zida

« Plus rien ne sera comme avant » ! C’est le slogan de tous les révolutionnaires de 2014 ! Pourtant, des partis comme le MPS, qui se réclament de cette révolution, veulent bien ramener les choses en arrière. Les fameuses négociations en vue du retour de Mr Yacouba Zida, sont une honte pour un parti qui se réclame de la révolution de 2014 ! Comment osent-ils, vouloir soustraire un citoyen à la justice burkinabè ? Pis encore, comment osent-ils demander une immixtion de l’exécutif dans le judiciaire ? Besoin en était-il même ? En vérité, pour une personnalité comme YIZ, la justice burkinabè n’aurait eu aucune objection à le remettre en liberté en attendant … sauf qu’il a déjà prouvé qu’il n’était pas digne de cette confiance. 

Personnellement, je n’en donnais pas pour beaucoup de la candidature de Zida !  Pourtant, il est candidat ! La preuve que malgré les multiples dossiers en justice qui l’attendent (dossier de l’insurrection/révolution, désertion), le citoyen Zida est présumé innocent tant qu’aucune condamnation n’a été prononcée contre lui ! C’est cette indépendance de la justice que nous avons réclamée par la révolution de 2014, et qu’enfin nous commençons à obtenir ! Cette indépendance, qui a permis la mise en examen même de ministre ! Il ne faut donc pas demander une chose et son contraire à la fois ! La justice pour tous ne fait pas des exceptions, sinon, elle ne serait pas pour tous !

Zida a été radié de l’armée. Il n’est plus militaire, raison pour laquelle il peut se présenter à la présidentielle. Cependant, avant sa radiation, il y a eu sa désertion ! Les juristes vous diront que la désertion étant antérieure à sa radiation, il y a toujours donc un cas dont il faut répondre devant les juges. Je serais Zida, le dossier de l’insurrection serait mon plus grand souci judiciaire, loin devant celui de la désertion. C’est d’ailleurs son point de vue et celui du MPS qui, à plusieurs reprises a appelé à une amnistie générale sur ce dossier. Mais entre révolutionnaires, soyons conséquents : nous ne pouvons réclamer justice et ensuite vouloir qu’elle ne s’applique pas à certains !

Au soir de l’élection, nous saurons enfin le poids politique réel de Zida. La machine du MPS sur le terrain et franchement, la présence ou non de son candidat ne devrait pas changer beaucoup de choses. N’est-ce pas triomphalement qu’Evo Morales vient de retourner en Bolivie ? Il est bien trop facile de conquérir le pouvoir par les armes, faites-le maintenant par les urnes et faites-nous nous taire ! Ne serait-ce pas une belle réplique pour plus d’un si au soir du 22, Zida est élu PF et le MPS est majoritaire à l’A.N ?

Koudraogo Ouedraogo

Blog: https://burkinafache2015.wordpress.com

Quand la réaction usurpe un hymne révolutionnaire !

À la vue des manifestants syndicalistes, arpentant les rues de la capitale, tout en chantant le Ditanyè, je n’ai pu m’empêcher de sursauter, et pour plusieurs raisons :

Je suis le premier à reconnaître que les salaires payés au Burkina-Faso sont faibles. Ce n’est pas pour rien que nous sommes l’un des pays les plus pauvres de la planète : le fonctionnaire burkinabè n’est pas grassement payé, loin de là ! Mais parlé de clochardisation, c’est quand même faire dans l’exagération et pour cause : partant des chiffres de 2017 (1), 400 milliards pour 173 000 fonctionnaires, nous obtenons une moyenne de 2 312 139 F CFA par fonctionnaire pour l’année 2017. La même année, le RNB par habitant du pays s’élevait 610 USD, soit environ 349 720 F CFA (au taux de conversion d’aujourd’hui). Cela nous donne un rapport fonctionnaire/RNB de 6,6 fois le RNB par habitant. Ce ne sont certes pas les 30 fois le RNB que gagnent nos députés, mais tout de même, parler de clochardisation alors même que nous savons que plus de la moitié de nos concitoyens gagne moins que le RNB, c’est simplement être de mauvaise foi !

Notons aussi que 173 000 fonctionnaires sur une population totale de 16 millions d’habitants, c’est 0.01% de la population, c’est-à-dire un centième. Par contre, les 400 milliards utilisés pour les payer, représentaient 40% des recettes fiscales du pays. Un centième de la population s’accapare 40% des recettes, et chante le Ditanyè pour conserver cet avantage. De quoi faire se retourner dans sa tombe, celui qui nous a donné le Ditanyè ! Je commence enfin à comprendre l’attitude de Thomas Sankara, père de la première révolution burkinabè, vis-à-vis des syndicats. À y penser, nous avons un groupuscule de bourgeois qui ont pris notre peuple en otage. Et cela, depuis 1966. Rappelons-nous que ce sont les fameux syndicats de la Haute-Volta qui ont appelé l’armée à s’installer au pouvoir, où elle est restée jusqu’en 2014. Ces mêmes syndicats s’attellent aujourd’hui encore, à « faire tomber » le premier président démocratiquement élu depuis 1966, juste pour défendre leurs intérêts égoïstes. Les syndicats sont les bourgeois compradors dont parlait T. Sankara ! Le peuple burkinabè se saigne chaque jour pour payer leurs salaires, et ils continuent d’en réclamer. Quand on leur demande le moindre sacrifice, ils prennent le pays en otage ! Que ces bourgeois arpentent les rues de Ouaga, tout en chantant le Ditanyè, voici là l’arnaque du siècle ! Imaginons un peu, si tous ces ouvriers à qui l’on confisque leurs moyens de production, toutes ces commerçantes, etc., se déversaient dans les rues à chaque fois que de nouvelles taxes et impôts leur étaient imposées !?

La récupération politique de cette lutte illégitime ne s’est pas fait attendre. Des partis comme le CDP et l’ADF-RDA, qui pendant 27 ans au pouvoir n’ont rien pu proposer aux burkinabè, ont déjà publié des messages en support aux organisations syndicales. Quel parti politique qui se respecte peut-il vraiment penser qu’un gouvernement démocratiquement élu ait comme ambition de « clochardiser » ses propres fonctionnaires ? Que gagne un gouvernement à clochardiser n’importe lequel de ses citoyens ? En politique, il faut savoir résister à l’appât du gain facile et immédiat, et envisager les choses dans le long terme. Certes, la situation actuelle permet à n’importe quel parti d’opposition de marquer des points facilement avec les syndicats, mais cela est-il la juste chose à faire ?

Beaucoup des arguments que les syndicats et leurs défenseurs développent ne tiennent pas devant la scrutation :

a/Le recouvrement des milliards dus à la DGI

 « Fermé, Impôt », c’est la notice que l’on voit souvent, inscrite en rouge, sur certains ateliers d’ouvriers dont les outils de production ont parfois même été confisqués par le fisc pour les obliger à s’acquitter de leurs impôts et taxes. Pour ceux qui sont passés par la maison de l’entreprise, ils connaissent déjà la note salée de taxes et d’impôts dont ils doivent s’acquitter avant même d’avoir encaissé le moindre kopeck. C’est souvent là d’ailleurs que l’aventure s’arrête pour beaucoup d’entrepreneurs, laissant ainsi de multiples factures impayées. Ce sont ces factures qui constituent les milliards dus à la DGI dont parlent les syndicats. À l’impossible, nul n’est tenu ! Beaucoup d’entreprises qui ne payent pas l’impôt, ne le font pas parce qu’elles ne le peuvent pas tout simplement.

b/ L’impact sur l’économie du pays

Aucune donnée statistique ne permet de conclure que ces 0,01% de la population représentent plus que ce pourcentage, quant à leur poids économique ! En fait, les 400 milliards de salaires qu’ils ont reçu en 2017, ne représentent même pas 0,03% du Produit National Brut (PNB) du Burkina en 2016 (2) : 0.03%, tel est le poids économique de la fonction publique. Il n’y a donc aucune contradiction dans la politique de promotion de la production locale, et l’application de l’IUTS aux indemnités. Le poids économique des fonctionnaires est simplement trop faible en réalité pour avoir un impact mesurable sur l’économie.

Les grèves auront aussi un impact sur l’économie, certes, mais là aussi, il faut relativiser. Il n’y aura pas des pertes à proprement parler de l’impôt, mais plus d’un report des paiements qui seront effectués lorsque la grève sera levée. Cependant, dans une économie tributaire de la commande publique comme la nôtre, des retards dans le paiement de la dette intérieure pourraient compliquer une situation économique déjà rendu difficile par la lutte contre le Covid-19.

Ceci dit, le pouvoir gagnerait à prendre sérieusement certaines des revendications, notamment celles portant sur la corruption ! Oui, la corruption sous toutes ses formes est galopante, et il faut accélérer l’adoption et la mise en application des lois anti-corruption et se donner les moyens de poursuivre très rapidement les coupables. On ne peut d’une part demander aux travailleurs de faire des sacrifices et d’autre part fermer l’œil sur les dossiers multiples de corruption qui sont mis à jour quotidiennement.

De même, un état de droit ne saurait sélectivement appliquer les textes, en s’empressant de mettre en application les textes sur l’extension de l’IUTS tout en ignorant d’autres textes quant à la rémunération des ministres.

Il doit aussi être possible d’élargir l’assiette fiscale de plusieurs façons : les chiffres de 2016/2017 nous apprennent que les recettes de l’État ne représentent même pas 1% du RNB ! Il est grand temps de moderniser l’économie pour retirer plusieurs secteurs de l’informel. Par exemple, il n’y a pas de raison que le boutiquier du coin continue de bénéficier d’un salaire sans aucune imposition pendant que la pharmacie du coin non seulement reverse la TVA mais aussi payent toutes les taxes sur les salaires de leurs employés. Les deux entités sont pourtant similaires à plus d’égard !

En sommes, on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut ! Par exemple, 173 000 fonctionnaires mécontents peuvent penser qu’ils agissent au nom de plus de 1,5 million de Burkinabè qui ont élu le président du Faso. Ils peuvent même surreprésenter leur poids économique. C’est pourtant en vain, parce que seules une analyse sans complaisance des chiffres permet d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Cette réflexion s’en veut une ! Une autre analyse indépendante du gouvernement se trouve sur le présimètre (3).

 

Koudraogo Ouedraogo

Blog: https://burkinafache2015.wordpress.com

 

 

 

 

(1) http://www.laborpresse.net/burkina-faso-173-000-fonctionnaires-en-2017/

(2) https://www.indexmundi.com/fr/burkina_faso/produit_national_brut_(pnb).html

(3) www.presimetre.bf

 

Pensées autour de la polémique de l’I.U.T.S.

1/ Il est indéniable que le Burkina doit élargir son assiette fiscale, s’il veut atteindre une autosuffisance budgétaire qui le rendrait maître de son propre destin. Cette imposition des indemnités est un aveu de l’échec des politiques passées : taxes sur les parcelles et propriétés, taxe sur la bière, etc.

2/ Disons qu’il était temps ! Le Faso a hérité d’un système archaïque de calcul des salaires : brut, indemnités, etc. Peut-on vraiment aujourd’hui justifier une indemnité de sujétion ? Existe-t-il un métier qui n’a pas ses propres risques ? Le porteur à l’hôpital travaille certes dans un environnement où existent virus et bactéries en permanence ! Mais est-il plus en danger que l’informaticien qui ne soupçonne même pas que le clavier en face de lui, a plus de microbes au millimètre carré qu’une salle d’hôpital ?

Dans beaucoup de pays de nos jours, ce système est simplifié pour se débarrasser des indemnités. La réflexion sur le sujet doit être menée sur le sujet au Faso. Il en va de même pour les différentes catégories d’emplois. En existent-ils, qui sont plus importants que les autres ? Peut-on être douanier ou collecteur d’impôts sans avoir été enseigné ? Peut-on continuer d’enseigner sans être maintenu en bonne santé par l’infirmier et sans recevoir son salaire ?

Peut-être, la question n’est pas celle de l’imposition des indemnités, mais plutôt celle de l’existence même des indemnités !

Et puis pourquoi s’arrêter aux indemnités ? Les travailleurs ont beaucoup d’autres bénéfices imposables et imposés dans d’autres pays : voitures de service, maison, parking, bon d’essence, etc. L’agent du ministère arrive le matin et parque son engin ‘gratuitement’, c’est- à-dire aux frais du contribuable, tandis que moi, lorsque j’y arrive pour affaire me concernant, je dois laisser des espèces sonnantes et trébuchantes au parking ! Qui voudra d’une voiture de service si sa valeur est considérée comme un bénéfice en nature et imposée au bénéficiaire ?

3/ Personne n’aime perdre un acquis ! Mais dans le cas, les syndicats perdent-ils vraiment ? L’imposition des indemnités ne peut-elle pas être largement compensée par d’autres acquis comme la prise en charge des enfants de moins de 5 ans ? Des femmes enceintes ? Des personnes indigentes et de bien d’autres aspects du PNDES ? Que dire de l’effort de guerre que nous devons consentir pour lutter contre le terrorisme ?

Pour la première dans son histoire, un gouvernement burkinabè a des objectifs clairs et se donne les moyens d’atteindre ses objectifs. Il serait dommage que les syndicats se mettent en travers de la route de ceux que les burkinabè ont mis à la place où ils sont.

4/ Les chiffres ! Les mesures ! Un pays qui ne mesure rien, ne réalisera rien ! Le Faso manque cruellement de chiffres, de statistiques, à tel point qu’on nous offre ce spectacle ridicule de nous monter des denrées alimentaires pour nous dire l’inflation que leurs prix ont subie au cours des années. Amusant certes, mais lamentable tout de même ! Tout est mesurable et nous devrions investir beaucoup pour tout mesurer ! C’est n’est que, éclairé par des statistiques fiables que l’on peut faire des décisions judicieuses. Sans contredire M. Bassolma Bazié, l’inflation que subit un prix d’achat n’est pas une mesure de la détérioration du pouvoir d’achat ! Par exemple, si les salaires ont augmenté proportionnellement, alors le pouvoir d’achat reste le même. Sans statistiques fiables sur lesquelles le gouvernement et les syndicats peuvent s’entendre pour discuter, nous assisterons simplement à un dialogue de sourds.

Ces mêmes chiffres sont ceux qui devraient guider toute proposition d’alternative faite par les syndicats. Combien de milliards le gouvernement projette-t-il de récolter par cette imposition ? Les syndicats ont-ils des propositions alternes qui couvrent la note ? Il ne suffit pas de pointer du doigt 500 millions-ci, 200 millions-là. Pour offrir une vraie alternative, les propositions doivent au moins couvrir les projections faites.

Yacouba Isaac Zida : cet ex-officier fait de téflon !

Puisqu’en cette période pré-électorale, beaucoup de gens s’activent déjà pour nous faire croire que M. Zida a encore des services à rendre à notre peuple, et, le temps me pressant, je vous propose en quelques brefs points, ma lecture de l’interview (1) que Mr. Yacouba Isaac Zida a accordé au journal « Le Pays ». Vous m’excuserez d’avance pour la forme inhabituelle.

 

 

Abordant le sujet de l’insurrection, M. Zida retient qu’il a dû agir pour circonscrire les dégâts au sein des populations. Il nous parle aussi de son rôle pendant la transition, en signalant qu’il a accepté d’accompagner le processus avec la bénédiction de tous.

 

1) L’insurrection, la révolution, comme j’aime la designer, n’a jamais été à propos de M. Zida ! Curieusement, c’est de lui-même, sinon seul, dont il se rappelle. De quoi se demander si M. Zida sait vraiment qui il est, lui qui est arrivé dans cette révolution comme un cheveu dans une soupe.

2) De quelles populations Zida parle-t-il ? Si tant il est vrai que l’insurrection est un mouvement populaire, alors lequel peuple fait subir des dégâts à quel autre peuple ? De penser que le peuple était contre lui-même le 31 octobre 2014, c’est simplement passer à côté de la plaque ! Le peuple, dans sa colère a brûlé ce que le peuple a construit. Vive le peuple ! Ni l’A.N., ni Kosyam, aucun édifice ne vaut la vie d’un citoyen !

3) Les « Zida, dégage ! » résonnent encore dans mes oreilles alors que j’écris ces lignes. J’ai souvenance, ce n’était certainement pas le peuple qui suppliait M. Zida de l’accompagner !  Il faut faire attention aux tendances révisionnistes de l’histoire de notre peuple, surtout quand cette histoire est si récente.

 

S’agissant de la décision la plus difficile, c’est la dissolution du RSP qui retient son attention.

 

1) Quelle grosse déception pour tous ceux qui nous crient les louanges de Zida et qui nous disent à quel point par son engagement révolutionnaire il a sauvé notre insurrection ! Personnellement, je m’attendais à quelque chose dans le genre Thomas Sankara le 15 octobre 1987, lorsque la réaction est venue pour mettre fin à la révolution. Sans aucune hésitation, il a sorti son arme pour défendre la révolution, sa révolution, parce que, « la patrie ou la mort, nous vaincrons ! ». Je m’attendais à un psychodrame de Zida devant le RSP : défendre la révolution des 30/31 octobre 2014 ou pas ? Telle était la question ce 16 septembre 2015. Elle l’était pour le peuple en tout cas, pas pour Zida !

2) Pourquoi n’en suis-je pas étonné ? Pour comprendre, je suggère une de mes réflexions en son temps : « Vers une transition avec des larbins » (2). Lorsque l’heure arriva de défendre la révolution des 30/31, ces larbins dont je parlais, qui avaient fait des pieds et des mains pour se mettre au-devant de la scène à la Primature, dans les ministères et à l’Assemblée, ces larbins disais-je sont resté tétanisés devant le C.N.D.

3) On ne coupe pas la branche sur laquelle on est assis ! C’est ici la vraie question de bon sens ! La réponse de Zida nous édifie aussi quant aux intérêts qu’il avait à cœur. Après tout, combien d’officiers de l’armée ont un patrimoine de plus de 800 millions ?

 

 

S’exprimant sur le plan sécuritaire, l’ancien Premier ministre sous la transition avoue regretter l’époque Compaoré, une époque où selon lui, Blaise Compaoré protégeait les Burkinabè de l’intérieur comme de l’extérieur.

1) Dabo Boukary, Lingani, Clément Ouédraogo, David Ouédraogo, Norbert Zongo, Nébié, pour ne citer qu’eux ! N’étaient-ils pas des citoyens burkinabè ?

2) Mr Zida oublie l’attentat du 15 Janvier 2016 ! Si cet attentat a été perpétré pendant la présidence de RMCK, il n’y a pas de doute que c’est pendant que Mr Zida gaspillait les ressources du contribuable burkinabé pour une vendetta personnelle contre G. Soro, que la germination, l’initiation, la préparation et la planification de ce projet macabre se sont faites : devant les yeux et sous la barbe de M. Zida !

3) Un des catalyseurs du terrorisme en Afrique de l’Ouest, est la prolifération des armes de guerre. Qui est responsable cette prolifération des armes de guerre dans la sous-région ouest-africaine ? Au Libéria ? En Sierra-Léone ? Au nord du Mali ? En Côte d’Ivoire ? Qui était indexé par les rapports de l’ONU pour les trafics d’armes ? Qui, M. Zida , qui ?

4) Enfin, se basant sur la mauvaise performance de RMCK et de son équipe dans les sondages, Zida conclut qu’il ne s’agit que d’une simple question de bon sens que de regretter l’époque Compaoré. Une interprétation plutôt binaire de la chose statistique : puisqu’on n’est pas satisfait de RMCK, alors on regrette Blaise Compaoré. Il n’y a pas plus fausse interprétation ! Il en existe, j’en suis certain, comme Zida, qui regrette leurs oignons d’Égypte. Pour nous le peuple, qui n’avons jamais eu ces oignons, nous ne sommes pas du tout près de les regretter, parce que nul ne peut regretter ce qu’il n’a jamais eu.

 

Concernant le dossier de l’insurrection, M. Zida trouve qu’il faut ou bien prononcer une amnistie générale ou alors, poursuivre les vrais coupables qu’il désigne comme « les auteurs du projet de modification de l’article 37 de la Constitution d’une part et d’autre part, ceux qui ont décidé, lors d’un bureau politique national, de monter à l’assaut des Forces de défense et de sécurité et d’incendier l’Assemblée nationale ».

 

1) Projeter de modifier la constitution en son article 37 n’était pas un crime.

2) Demander au peuple d’assister à une plénière de l’A.N. n’est pas un crime non plus.

Jusque-là aucune faute, d’aucun côté ! Les enfreintes à la loi commencent à partir du moment où :

3) On décide d’empêcher les citoyens d’accéder à leur propre assemblée, un droit que la loi du pays garantit.

4) On met des militaires dans les rues pour maintenir l’ordre. Ce n’est pas le rôle de l’armée.

5) On décide d’appliquer le « shoot to kill », autrement dit, tirer non seulement à balle réelle, mais aussi et surtout avec l’intention de tuer et non de handicaper ou désarmer !

6) Les institutions de la République sont empêchées de fonctionner, parce que dissoute par un coup d’État. Le Faso ne s’arrête pas au Président du Faso ! La démission de celui-ci ne saurait justifier qu’un officier de l’armée se bombarde Président du Faso. Ce n’est pas un poste pour un militaire, cela ne l’a jamais été et ne le sera jamais. En Bolivie, E. Morales a rendu sa démission et est allé en exile. Aucun officier ne s’est encore bombardé Président de la République.  Pourtant, l’armée bolivienne a 14 coups à son actif !

7) Le fruit ne tombant pas loin de l’arbre, cet argumentaire, nous l’avons déjà entendu pendant le procès du putsch, où des avocats se sont perdu en essayant de nous démontrer qu’il n’y avait pas coup d’autant que la transition elle-même était un coup ! Un argument qui ignore la souveraineté du peuple ! C’est le peuple qui confie la gestion du pouvoir à des individus, et donc le peuple peut reprendre son pouvoir à tout moment ! Le peuple est souverain.

 

En guise de conclusion, M. Zida affirme sa disponibilité à servir son pays qu’il aime, mais à condition que cesse « cet acharnement inutile ».

 

1)  Amusant ! Quelles expertises Zida possède-t-il, et qui ne sont pas à la disposition du Président du Faso déjà ! RMCK a nettement plus d’expérience en politique, et en tant que Président du Faso, dispose de l’expertise militaire d’une armée forte de 14 000 hommes, de l’expertise de l’Agence Nationale de Renseignement, et des appuis financiers et militaires de nos partenaires, sans parler d’un réservoir de talents de 16 millions (moins 1).  Zida sait-il vraiment qui il est ?

2) Piètre façon, n’est-ce pas, d’aimer et de servir son pays en le saignant de ses maigres ressources pour aller le dépenser au profit d’un pays tiers ! Il faut remonter aux Paul Biya et d’autres despotes africains du même acabit pour observer ce niveau de vassalité ! Même Kwassi Kwamé est resté en C.I à côté ! Voyez-vous, pour faire de la révolution, il faut d’abord se libérer de son esclavage mental ! Apparemment, ce n’est pas demain la veille avec YIZ qui regrette l’époque de son maître Compaoré !

 

 

 

Conclusion :

Rien ne colle à YIZ ! Aucune critique, aucune faute, aucun crime : trafic d’influence, corruption, incompétence, arrivisme, haute trahison, assassinat, coup et blessure ? Certains ont fait pire nous dit-on. Dans le dossier de l’insurrection, le CDP est coupable, l’opposition burkinabé est coupable, le peuple du Faso dans son ensemble est coupable, tous, sauf le petit officier du RSP, Téflon Yacouba Isaac Zida, qui ne fît que son devoir ! Oui, YIZ est fait de téflon, comme ces poêles sur lesquelles aucune friture ne colle. Il le croit, ses supporters le croient, c’est donc « YES à Téflon YIZ » en 2020, puisque nous regrettons tant l’époque Compaoré, et, à défaut d’avoir Kwassi lui-même, c’est de ses anges dont nous nous contenterons. Cependant, l’impunité étant une des causes de la révolution des 30/31 octobre 2014, l’on est en droit de se demander si le Faso a besoin de politiciens fait de téflon qui n’assument rien et ne sont responsables de rien, et qui se cachent derrière leurs crimes derrière des amnisties générales à la manière de B. Compaoré lui-même.

 

 

 

 

 

 

Koudraogo Ouedraogo

Blog: https://burkinafache2015.wordpress.com

 

 

 

 

Références :

Ces braves Burkinabé qui ne sont pas égaux aux autres !

C’est presque une coutume maintenant, à chaque fois que cela plaît à la NAFA ou au CFOP, ils ne manquent pas l’occasion d’attirer notre attention sur l’état de santé de monsieur Dijbrill Bassolé, en particulier sur la nécessité de lui procurer des soins hors du Burkina-Faso.

Tous les burkinabè naissent libres et égaux

Dans (1), j’avais fustigé ce tourisme sanitaire, bien trop fréquent dans nos États. Depuis, certains ont mieux fait que d’autres. Au Ghana, c’est le plus grand complexe hospitalier d’Afrique de l’Ouest qu’ils ont inauguré. Au Niger, ils se sont dotés d’un hôpital de référence et ont du coup, décrété l’interdiction totale des évacuations sanitaires. (2). Au Burkina, ils ont abandonné l’arrêt des évacuations que nous avions obtenus sous la transition. Au Zimbabwé, le Père de la nation vient de rendre l’âme à Singapour. Pour être optimiste, les choses évoluent donc pour le mieux autour du Burkina ! Notre cher Faso par contre, reste à la traîne ! Honte donc aux politiciens burkinabé, de la mouvance présidentielle comme de l’opposition. Oui, honte à eux, qui laissent les burkinabè mourir dans de médiocres hôpitaux pendant qu’eux, ils bénéficient des évacuations sanitaires. Honte à ces politiciens, qui sont au pouvoir ou aspirent à être au pouvoir, et qui bafouent notre constitution à chaque fois qu’ils en ont l’occasion ! Je voudrais leur rappeler l’article 1 de la constitution du 2 juin 1991 qui dit ceci : « Tous les burkinabè naissent libres et égaux en droits. Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garantis par la présente Constitution. Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la région, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la caste, les opinions politiques, la fortune et la naissance, sont prohibées. »

À mon avis, l’article sus énoncé, nous dit que nous sommes tous égaux en droits vis-à-vis de la santé ! Alors messieurs de la NAFA, pourquoi moi, ma mort à Yalgado vous serait-elle plus acceptable que celle de D. Bassolé ? Insinuez-vous qu’il aurait plus de droits que le citoyen lambda, qui se meurt dans les mouroirs que sont nos hôpitaux ? D. Bassolé, comme tous les autres politiciens avant lui et après lui, doit assumer leur héritage, parce que lui au moins a eu l’opportunité pendant de longues années, d’influencer la politique dans ce pays. Il aurait pu faire construire un hôpital aux normes dont nous aurions tous profité. Hélas ! Le pouvoir, c’est pour servir et non se servir ! Ce qui serait humaniste, Chers Messieurs de la NAFA, c’est d’arrêter de pousser si loin l’opprobre contre le peuple du Burkina en réclamant l’évacuation d’un criminel, reconnu coupable et condamné devant les cours ! L’État burkinabé a un devoir de soin vis-à-vis de ses prisonniers, mais il ne saurait mieux traiter les criminels que les honnêtes citoyens, au risque que nous devenions tous criminels ! Il est incompréhensible que D. Bassolé soit si prompte à quitter ce même trou qu’il était prêt à mettre à feu et en sang pour le gouverner il y a si peu !

Les évacuations sont discriminatoires, donc anticonstitutionnelles.

La constitution est sans équivoque quant à l’égalité en droit des burkinabé. Permettre donc à certains burkinabé de bénéficier des évacuations sanitaires pendant que d’autres sont abandonnés dans de médiocres hôpitaux locaux, c’est simplement violer notre constitution, surtout quand on sait que ce n’est pas par un tirage au sort que l’on bénéficie ou non de l’évacuation sanitaire. Ce n’est même pas sur la base de la nécessité médicale, mais plutôt base de critères entièrement arbitraires. Quelle sorte de peuple sommes-nous donc, nous qui jugeons la vie d’une présidente de parti politique plus importante que celle d’un maître d’école ? J’en appelle donc au président du Faso, pour qu’il mette fin aux évacuations sanitaires. Elles représentent une injustice criarde que subit la majorité des burkinabé qui pourtant les finance.  On peut arguer que ces évacuations sont simplement anticonstitutionnelles : d’une part, elles établissent parmi les burkinabé, une discrimination basée sur des critères spécifiquement interdit par la constitution, en particulier, l’opinion politique, la fortune et d’autre part, on ne peut pas maintenir les évacuations sanitaires pour certains président(e)s de parti politique, et en refuser expressément à D. Bassolé ! Cela serait une injustice monstre ! Autant est-il anticonstitutionnel de réserver les évacuations sanitaires pour certains, autant cela reste-t-il anticonstitutionnel de la refuser à d’autres. Il n’y aura jamais suffisamment pour évacuer tous les burkinabé qui en ont besoin. C’est pourquoi, tous méritent d’être pris en charge localement, dans les meilleures conditions possibles, car nous sommes tous des contribuables. Ceux-là qui bénéficient aujourd’hui des évacuations ne payent pas plus de taxes que ceux que l’on laisse mourir au pays.

Nos politiciens sont la source de l’incivisme qu’ils décrient.

En fait, il ne faut pas chercher loin les racines de l’incivisme ! Les citoyens ne peuvent pas continuer à se saigner pour soutenir le train de vie des hommes politiques et de leurs alliés. On ne peut pas demander aux syndicats de faire des sacrifices pour le développement du pays, pendant qu’au même moment, les hommes politiques ne font que s’empiffrer ! Par exemple, en 2018, le revenu national brut (RNB) du Burkina-Faso était de 392 406,64 F. CFA par habitant. La même année, pendant que chacun de nous se contentait de nos maigres 400 000 F. CFA, nos braves députés, après réduction de leur salaire, recevaient chacun 11 534 116,99 F. CFA comme salaire annuel (3). Comparé au RNB par habitant, cela fait un rapport de 29,39. À titre comparatif, chez nos voisins, nous obtenons les rapports suivants :

rapport_rnb

 Sources : (4)

On serait tenté de penser qu’après tout, les burkinabè s’en tirent à bon compte, comparé à des pays comme le Niger. Cependant, on ne que ressentir une certaine honte devant des pays comme le Mali. Tout de même, un député burkinabé gagne presque 30 fois le RNB par habitant, en plus des évacuations sanitaires et autres avantages ! Je ne m’amuserai point à un tel exercice pour ce qui est du salaire du ministre des Finances par exemple ! Disons, autour de 300 fois le RNB tandis qu’un haut fonctionnaire burkinabé gagne environ 10 fois le RNB ! Il n’a pas de doute qu’avec plus de 3 fois le salaire du haut fonctionnaire, le député burkinabè est entièrement coupé de la réalité du pays ! Chose curieuse, ils sont ceux, qui sont responsables de faire accroître le RNB de sorte que le rapport se réduise ! Étant donné que le rapport reste très grand, la seule conclusion judicieuse est qu’ils font mal leur travail ! C’est dire que si l’on doit mériter son salaire, nos braves hommes politiques ne méritent pas les salaires que nous leur payons. En fait, l’impression générale qui se dégage de telles figures, c’est celle d’un groupuscule qui s’accaparent le gâteau tout entier, pendant que la grande majorité doit se contenter des miettes. Comment peuvent-ils oser alors nous demander de faire preuve de civisme, de faire des efforts, des sacrifices lorsqu’eux, organisent le pillage du pays de la sorte ? Un pillage rendu bien trop facile par l’absence de loi qu’ils ont le devoir de mettre en place, mais qu’ils ne votent pas, permettant ainsi à des officiers de l’armée de devenir des milliardaires sans pouvoir justifier de la source de leurs milliards et d’aller se la couler douce au Canada, pardon en Turquie pour des soins ! Comment peuvent-ils lâcher le fisc sur nos pauvres ateliers pendant que les gros voleurs de la République circulent sans être inquiétés par le même fisc. Une fortune se justifie. Le fisc doit pouvoir retracer chaque franc de la fortune, surtout dans un pays en proie au terrorisme comme le nôtre.

Conclusion

En somme, les évacuations sanitaires ne sont pas seulement une violation de la constitution. Elles ne sont pas seulement le signe manifeste d’une classe politique incapable, qui ne peut même pas doter le pays d’un hôpital digne et qui refuse d’assumer son héritage. Elles représentent surtout, la cupidité d’une classe politique entièrement coupée de la réalité des burkinabè. Chaque 24 heures, 5 burkinabé, dont 2 enfants âgés de moins de 5 ans meurent du paludisme. Le vrai manque d’humanisme, c’est d’accepter que cela arrive pendant que l’on continue tranquillement à évacuer des politiciens incompétents à coup de millions qui auraient certainement donné la vie à un enfant.

 

 

 

 

Koudraogo Ouedraogo

Blog: https://burkinafache2015.wordpress.com

Membre, Faso 2020 : http://faso2020.org

 

 

 

 

 

 

Références :

(1) Je suis né dans ce trou et je mourrai dans ce trou, 2 Septembre 2017, <https://lefaso.net/spip.php?article79118>

 

(2) Le Niger interdit les évacuations sanitaires fantaisistes des ministres et députés à l’étranger, 21 mars 2018,< http://nigerexpress.info/2018/03/21/le-niger-interdit-les-evacuations-sanitaires-fantaisistes-des-ministres-et-deputes-a-l-etranger/>

(3) Burkina-Faso : Les députés diminuent leur salaire, 20 janvier 2016 < https://www.jeuneafrique.com/295469/politique/burkina-faso-deputes-diminuent-salaire/

>

(4) https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GNP.PCAP.CD?locations=BF-CI-GH-TG-BJ-NE-ML

 

L’Afrique face au racisme : Pensées (3/3)

Le populisme continue à gagner du terrain. Les élections Européennes de cette semaine, à en croire les sondages, consacreront la montée en puissance des partis d’extrême droite au sein du Parlement européen. Un choc annoncé, qui mérite que, malgré un emploi de temps très chargé, je termine cette réflexion amorcée il y a quelque temps déjà. Dans la première partie de ma réflexion, j’avais suggéré que nous prenions les devants pour assainir certaines langues modernes du vocable péjoratif qu’ils utilisent. Dans la seconde partie, j’avais trouvé que, pour reconquérir le respect qui nous est dû, une réaffirmation de notre propre identité est essentielle, par notre culture, nos langues, nos us et coutumes.

Dans cette dernière partie, je voudrais m’attarder sur l’échec économique de l’Afrique, qui est souvent la cause de certaines discriminations, et aussi, entraîne des comportements qui contribuent à bafouer la dignité de l’Africain.

 

Notre humanité est celle des riches.

On se rappellera sans doute l’expression « tiers-monde » qui désignait ce que nous appelons aujourd’hui les « pays en voie de développement ».  « Tiers-monde », une expression qui nous dit beaucoup sur la façon dont la pauvreté et le sous-développement étaient vus : la pauvreté ne permet pas l’existence d’une humanité entière, première, mais plutôt d’une tierce humanité ; « tiers-monde », comme par opposition au « premier monde » (first world).

L’humanité s’est toujours définie en termes de succès économique où les plus riches s’arrogent tous les droits au détriment des plus pauvres. C’est un constat que je ne cherche point, ni à justifier, ni à excuser. Depuis la nuit des temps, ceux-là qui ont eu du succès économiquement (donc militaire) se sont toujours posés en « super humains », traitant les autres comme des « sous-humains » qui ne méritent que la condition d’esclave.

En effet, dès l’antiquité, Aristote recensait au moins quatre types différents d’oligarchie dans les cités de la Grèce hellénistique (1). Il s’agit là, de system de gouvernement où une minorité comprenant les plus riches et d’autres, ont tous les droits et privilèges, pendant que le reste croupit dans la misère. Les exactions de ce system de gouvernance allaient entraîner des maux comme la servitude et l’esclavage des classes sociales les plus défavorisées, conduisant à Athènes par exemple, à des réformes qui donnèrent naissance à la démocratie athénienne, mère des systèmes démocratiques modernes.

On peut faire le même constat dans la Rome antique où les patriciens concentrèrent pendant longtemps beaucoup de droits et privilèges au détriment des plébéiens. L’homme était ou libre ou esclave et la richesse, l’origine et la fonction en définissaient la place dans la société ; la plèbe elle-même étant hiérarchisée avec les prolétaires (proletarii), ceux qui sont les plus pauvres se retrouvent au plus bas niveau de cette hiérarchie, exerçant les activités considérées pour des raisons religieuses comme inférieures : céramique, travail du bronze (2).

À la chute de Rome, son organisation sociale allait se fondre progressivement en la société monarchique médiévale. En effet, à cette ère de l’histoire de l’humanité, la féodalité était le mode de gouvernement le plus répandu. Son mode de fonctionnement a été bien documenté surtout en Europe occidentale. Les seigneurs régnaient en maître absolus sur leurs domaines, avec droit de vie et de mort sur leurs terres. L’argent achetait tout :

Le savoir : ils étaient les seuls qui avaient le droit de s’instruire, d’apprendre à lire et à écrire. En fait, il était formellement interdit à quiconque d’autre de s’instruire ! « Knowledge is power » disent les Anglais, « la connaissance, c’est le pouvoir ».

Le pouvoir : l’instruction leur permet de contrôler les hautes sphères du clergé, qui n’hésite pas alors à déclarer leur autorité comme étant de « droit divin ». S’opposer au seigneur revient à s’opposer au Seigneur !

L’Afrique n’est pas en reste dans ce comportement de subjugation des plus faibles. L’histoire générale de l’Afrique de J. Ki-Zerbo nous apprend les conquêtes et les razzias effectuées par les différents royaumes et empires en Afrique permettaient d’établir des relations de vassalités et de prendre des esclaves.

Dans l’ordre mondial d’après-guerre, c’est le succès économique qui définit la place qu’occupe chaque nation. Une ploutocratie de fait, où les plus riches, les pays du G7 sont au sommet de cet ordre mondial pendant que les plus pauvres sont en bas. Les plus riches imposent aux moins riches leur volonté par le biais d’institutions dites mondiales (ONU, Banque Mondiale, AIEA, etc.) : l’Iran se lance dans le nucléaire et cela déplaît, alors l’étouffe avec des sanctions. Dans ce contexte, ce n’est plus au nom d’une certaine supériorité ethnique que l’Afrique se retrouve à subir les effets néfastes de l’ordre mondial, mais simplement du fait de son échec économique d’abord, mais aussi du fait de comportements exhibés par les Africains eux-mêmes.

La pauvreté ne saurait point justifier le manque de dignité.

Figurez-vous, bonnes gens, que dans notre cher pays, il existe des ONG qui viennent pour creuser des latrines dans nos villes, nos villages et nos maisons, et cela, avec l’assentiment de notre état !

Quel message cela envoie-t-il au monde entier ? Qu’il existe des Burkinabè, valides des quatre membres, et qui ne peuvent pas creuser un trou par eux-mêmes pour y déféquer !

Il y a des aides qu’il faut savoir refuser, ne serait-ce que par dignité ! Comment, peut-on après les avoir acceptés, sortir se bomber la poitrine pour fustiger le néo-colonialisme lorsque c’est la petite de 8 ans qui s’est privé de ses € 2 d’argent de poche de la semaine pour vous construire une latrines ?

Comment des fonctionnaires, assis au ministère, auraient pu lire les objectifs d’un tel projet et lui accorder un agrément ?

Il n’y a pas que les latrines. Les exemples sont légion !

La résilience alimentaire ! Appartient-il à des fonds étrangers de venir offrir des poules, des chèvres ou des moutons à des pères de famille ? Comment peut-on après, niaisement réciter les leçons d’économie et de démographie à propos du dividende démographique lorsque E. Macron parle du problème de la planification familiale ? Les faits sont là et sont têtus ; nous ne sommes plus dans le théorique : l’Afrique souffre toujours de la faim ! Pourtant, toute l’humanité entière, l’Afrique comprise, a maîtrisé depuis des millénaires les techniques d’agriculture et d’élevage nécessaires à la production de nourriture. Cela est aussi vieux que l’humanité ! Les aléas climatiques ne sont pas que le propre de l’Afrique. L’Amérique, l’Australie, l’Asie, et même l’Europe connaissent tous des aléas climatiques. Certaines parties d’Australie et des USA par exemple connaissent une sècheresse qui dure depuis plus d’une dizaine d’années ! Pourtant, elles ne donnent pas à voir les scènes macabres qu’offrent certaines parties du continent. Israël est un grand désert, mais il exporte sans doute plus de produits agricoles que toute l’Afrique réunit. En fait, aujourd’hui, c’est plutôt en Afrique que les multinationales venues de Chine et d’autres horizons, viennent acheter des vastes domaines agricoles afin de produire pour leurs populations grandissantes (3). Pendant ce temps, nos leaders politiques traversent la planète entière du Nord au Sud et d’Est en Ouest à la recherche de financement ! De quel financement a-t-on besoin pour cultiver la terre ? Au sortir de la deuxième guerre mondiale, l’Europe entière était en ruine. Au Royaume-Uni, les denrées alimentaires de base étaient rationnées et le resteront jusqu’en 1953. L’Angleterre dépendait des importations de blé, d’orge et de bœuf pour se nourrir. Le parti travailliste (Labour) alors au pouvoir, allait proposer des reformes dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage afin de moderniser le secteur et accroître l’efficacité de la production par plus de 60 %. C’est en 1947 que le parlement adopta la loi de modernisation qui garantissait dans le court terme les prix et le marché aux producteurs britanniques qui étaient alors encouragés à utiliser des espèces de semences plus productives, des herbicides et des engrais. Cet acte du parlement allait transformer l’agriculture britannique en moins de 10 ans. Avec les garanties de prix et du marché, les agriculteurs retrouvèrent la confiance nécessaire pour accroître les investissements. Les exploitations se modernisèrent et se mécanisèrent.

En contraste, en Haute-Volta, juste après l’indépendance du pays, un effort de modernisation et mécanisation de l’agriculture allait être entrepris. Un financement de la Banque Mondiale, allait permettre d’établir les ORD (Organisation Régionale de Développent) dans la quasi-totalité du territoire. La mission était claire et simple : moderniser et mécaniser l’agriculture de Haute Volta pour arriver à une autosuffisance alimentaire. Le projet avait une durée de 40 ans. Aujourd’hui, le Burkina-Faso est la capitale mondiale des ONG, dont beaucoup d’entre elles travaillent dans le monde rural, poursuivant ainsi les mêmes objectifs que les ORD et CRPA. Le programme du MPP inclut une distribution de charrue et de bœuf aux paysans, comme il y a 60 ans ! Cela n’a pas marché il y a 60 ans, peu importe ! On recommence ! Pendant ce temps, les importations non contrôlées, et même mafieuses de riz étouffent les producteurs du Sourou, les poulets d’origines parfois inconnues rentrent comme si nous n’avions aucune frontière. Nous sommes prêts à nous endetter pour distribuer des bœufs et des charrues, mais nous sommes incapables par de simple loi de garantir les prix et le marché à nos producteurs ! Qu’attendons-nous que les autres pensent de nous lorsque nous nous offrons ainsi en spectacle ?

On peut être pauvre et rester digne. En fait, la dignité du pauvre est sans doute son seul bien. C’est dire que le pauvre qui perd sa dignité aura alors vraiment tout perdu. Ainsi donc, nous avons tout perdu dès la seconde même où nous avons permis à la France et à d’autres pays comme la France de nous creuser des latrines et nous donner des poulets pour nous nourrir !

Il y a à peine quelques semaines, le président du Faso, se félicitait de recevoir les lettres de créance du nouvel ambassadeur résident d’Italie dans notre pays ! La même Italie qui, traite les migrants africains comme nous le savons tous ! Une expulsion en guise de protestation serait de mise partout ailleurs, mais pas au Burkina, où nous espérons encore, même sous la pluie des injures multiformes bénéficier des miettes que l’Italie peut nous lancer. Où se trouve notre dignité ? N’est-ce pas avec pompe que nous avons accueilli les 24 blindés, dons du Qatar ? Le même Qatar, souvent mis sur la sellette pour ses financements des groupes extrémistes ! Le Qatar pourrait bien être le nerf de la guerre qui nous meurtrit, mais peu importe, tant qu’il nous donne des blindés.

Revenons aux migrants, qui vendent pour pas grand-chose notre dignité commune, quand ils préfèrent braver l’esclavage et la mort plutôt que de rester sur le continent ! Ils ne sont pas les seuls. On a vu certains de nos dignitaires faire un tollé parce qu’un visa d’entrée leur a été refusé. Ces mêmes visas d’entrée que nos étudiants pendant même qu’ils fustigent la politique étrangère de la France devant Macron, n’hésitent pas à quémander.

Le reportage de CNN exposant le marché aux esclaves en Libye, a fait couler beaucoup d’encre. Que d’indignations ! Pourtant, combien sont-ils d’enfants, trafiqués chaque année en Afrique occidentale vers les plantations du Ghana et de la Côte d’Ivoire ? L’Union Africaine, n’assiste-t-elle pas, toute impuissante, à l’esclavage des Africains en Mauritanie ?

Lorsque les Africains bafouent eux-mêmes leur dignité, peuvent-ils raisonnablement attendre des autres qu’ils la respectent ?

 

 

Compter sur ses propres forces

D’entrée, disons que nul ne développera le Burkina pour les Burkinabè. Cela amusait, aux élections de 2015, de voir les ténors de la scène politique se quereller pour savoir qui a chiffré son projet de société et qui ne l’a pas ! Mais à y réfléchir, un projet de société qui n’est pas entièrement ou presque, bâti sur le budget national, n’a pas en réalité plus de valeur que le papier sur lequel il est imprimé ! Pour preuve, nous avons le PNDES, qui d’abord a pris 2 ans au moins avant de se mettre en place, et comme tous les financements attendus ne se sont pas matérialisés, il connaît, à un an et demi de la fin du mandat présidentiel, un taux de réalisation de 14% ! Assurément, Roch Kaboré ne peut pas prétendre à un second mandat ! Mais je ne parierais point dessus.

Il est trop facile de construire des routes et des ponts avec l’argent des autres. En fait, si les contraintes budgétaires sont reléguées aux oubliettes, l’exercice de présentation d’un projet de société se résume donc à qui peut rêver le mieux, présenter la meilleure rédaction sur le sujet « Que feriez-vous en tant que président du Faso ». Mais en fait, on ne peut pas tout simplement se débarrasser des contraintes budgétaires, il faut plutôt les intégrer pleinement. En cela, la question qui se pose aux Burkinabè, au niveau national n’est pas si dissimilaire de celle qui se pose à chacun d’eux dans leur cadre familial ! J’ai toujours été en admiration devant les demeures que se bâtissent des Burkinabés. Voici un pays où les salaires sont comme nous le savons tous. Un cadre typique de l’administration, arrive cependant sur 10/20 ans à éduquer proprement ses enfants, se construire une demeure dont la valeur équivaut à au moins 10 fois son salaire annuel, et ceci, avec très peu d’apport externe. Cela est possible, parce que monsieur et madame consentent à d’énormes sacrifices : on circule à moto quand il faut, conjugue le tôo/riz et riz/tôo quand c’est nécessaire. On garde une ou deux volailles pour les cas de force majeure et on profite du carême pour réduire la consommation de viande et de bière. À la pharmacie, quand on peut, on allie pharmacopée, génériques et spécialités pour réduire les coûts. Pour les vacances, un petit recyclage au village s’impose. Il permet d’ailleurs aux enfants de rester en contact avec les réalités du pays, afin de redoubler d’efforts à l’école. Aucune mère de famille, aucun père n’arpente le pays chaque mois à la recherche de financement ! Rarement, on conjugue deux (02) prêts bancaires à la fois. En somme, le cadre typique burkinabé, est une réussite économique et sociale. Il fait avec les moyens de bord, il connaît ses priorités : alimentation, éducation, santé, habitation.

Pourquoi cette réussite n’est-elle pas répliquée au niveau national ?

La réponse est toute simple à mon avis :

D’abord au niveau national, nous avons tendance à compter, pas sur nos propres forces, mais sur la bonté et le bon vouloir des bailleurs de fonds. C’est une erreur monumentale, parce qu’alors, comme le PNDES, on a la certitude de ne rien faire en cas de problèmes. Tout comme les parents dans le couple imaginaire dont je parlais, l’état doit savoir compter uniquement sur ses propres moyens. Si la moitié des recettes propres passent dans les salaires et le maintien de la souveraineté, l’autre moitié devrait naturellement être celle que nous investissons pour notre développent. C’est une planification qui permet avec certitude de savoir si l’on peut s’offrir un nouveau centre hospitalier ou s’il faut choisir entre l’hôpital et un nouvel aéroport ou une nouvelle route. Si les fonds propres ne suffisent pas, il convient de définir dans son programme comment l’on compte élargir l’assiette fiscale, et le montant des recettes attendues.

Une fois que l’on s’impose de travailler avec ses propres moyens, la question des priorités, nécessairement, se pose. Il faudra donc au niveau national, définir ses priorités ensuite. Les recettes étant limitées, des choix devront être faits : construire des écoles ou des échangeurs ? Construire des hôpitaux ou traverser la terre entière à bord du Pic du Nahouri ? Même dans les pays les plus riches, des écoles en préfabriqué existent. Pourquoi alors l’enfant burkinabè n’irait-il pas recevoir une éducation sous une paillote ? Il rentre chez lui, le soir, dormir sous une paillote tout aussi « dangereuse ». Où donc, se trouve le problème ?

À la fin, la question qu’il faut se poser est la suivante : « Qu’est-ce que le développement ? ». Chaque Burkinabè a certes, une définition du développement propre à lui. Aucune de nos universités n’a encore défini le terme au niveau national. Pourtant, nous citoyens, électeurs, sommes censés élire quelqu’un pour nous conduire au développement. Comment le citoyen lambda évalue-t-il dans le PNDES, les éléments de développement du pays ? Compter le nombre d’échangeurs construits ? De forêts abattues ? De dispensaires ? A-t-on même la preuve que le PNDES contribue au développement ?

En somme, voici un pays qui se démène comme un diable pour des objectifs non clairement définis, et donc non-mesurables par définition. Il est donc impératif qu’à l’échelle nationale, le pays se dote non seulement d’une définition du développement, mais aussi et surtout qu’il définisse les transformations par lesquelles le pays peut arriver à cet état de développement. Sans cela, les programmes politiques resteront les masturbations intellectuelles d’une classe politique coupée de la réalité du pays profond. Dans un tel contexte, il n’est pas opportun de mesurer un taux de réalisation puisque l’on pourrait même arguer dans certaines circonstances que la réalisation de certains éléments d’un programme entrave le développement. Exemple : l’impact économique de l’échangeur du Nord.

L’élite africaine reste à la traîne.

Le problème de l’échec économique africain est assez difficile, même impossible à comprendre. Plus difficile encore à comprendre, est le comportement de l’élite africaine face aux difficultés économiques. Une grande partie de cette élite semble convaincue que c’est en vain que nous travaillons parce que les rôles sont déjà répartis. Pour cette élite, c’est l’Occident qui, par néo-colonialisme freine le développement de l’Afrique. C’est populaire, et j’y suis moi aussi passé par là en son temps. De nos jours, je m’inscris entièrement en faux d’un tel point de vue ! Prenons en exemple la dégradation de la sécurité que connaît le Burkina. Il n’est pas rare d’entendre des gens, remettre en cause la bonne volonté de la France, allant jusqu’à suggérer qu’elle lèverait et armerait ces bandits de grand chemin pour semer le trouble. Quand on leur demande dans quel but, la réponse ne se fait pas attendre : nos ressources. Au risque d’offusquer certains, il faut admettre d’abord qu’en matière de ressources, le Burkina n’est pas un pays nanti ! On se rappellera que la partition de la Haute-Volta entre la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger relevait de cette logique de colonie non-viable économiquement. Aux yeux de la France, le Burkina-Faso n’a donc aucun poids économique, chose que nous pouvons confirmer, simplement en jetant un coup d’œil sur les exportations du Burkina ! C’est en Suisse, en Inde et en Chine et non en France que nous exportons. Les données brutes ne permettent pas à mon avis de supporter cette thèse de la France de mèche avec les assaillants de notre pays, pour s’accaparer de nos ressources. La France a ses intérêts certes à être au Burkina, tout comme le Burkina lui-même avait ses intérêts à être au Mali par exemple. Ainsi vont les relations entre nations.

En fait, à y penser, l’Occident ne peut pas être un frein au développement de l’Afrique. Bien au contraire, l’Occident a besoin d’une Afrique qui émerge, une Afrique qui peut consommer et représenter un marché de valeur pour leurs économies avancées qui ont quelques fois du mal à se réinventer ! Ce n’est pas en Occident que l’on peut accroître de 20 % par an, les ventes de voitures ou d’appareils ménagers, tout simplement parce que tout le monde en a déjà. Par contre cela est possible en Chine, en Inde, et en Afrique (à la condition de sortir des millions d’Africains de la pauvreté).

Nous avons les preuves que si un pays d’Afrique veut s’en sortir, il s’en sortira ! Cette preuve, c’est le Rwanda ! Le Rwanda qui, dès 2008 remettait sa destinée à une élite venue d’Occident, en nommant l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, comme conseillé économique (4). Les résultats, une décennie plus tard, sont ceux que nous admirons et envions tous en Afrique ! En 2018, c’est Guy Baron, un autre cacique du gouvernement de Blair qui est nommé directeur des investissements de la Rwandan Development Board (Agence Rwandaise de développement) (5)!

Comment et pourquoi Blair, Baron et Kagamé peuvent-ils réussir en 10 ans, là où depuis 60 ans l’élite africaine échoue de la façon la plus lamentable ? Certains, comme J. Watson, l’un des pères de la génétique moderne n’hésite pas à prendre des raccourcis pour apporter des explications (6). D’autres par contre, par des études rigoureuses, concluent que tous les cerveaux naissent égaux en intelligence, mais semble-t-il, la pauvreté peut retirer jusqu’à 13 points de coefficient intellectuel à un individu. En effet, des chercheurs en psychologie et en économie ont démontré que la pauvreté pouvait être à l’origine d’une prise de décision catastrophique, dont les conséquences sont le maintien de l’individu en situation de pauvreté. Cependant, la pauvreté n’est pas une fatalité, et le cercle vicieux peut être brisé pour peu que l’on évite de penser paresseusement (se laisser contraindre par l’idéologie, l’ignorance et l’inertie) dans la conception des programmes de développement (7).

Or cette pensée paresseuse, nous pouvons la voir partout au Burkina, où certaines élites sont toujours dans les tranchées où la guerre fait encore rage entre le prolétariat et la bourgeoisie. Pour eux, on est rouge ou autre, ami ou ennemi, révolutionnaire ou réactionnaire. Ils voient des complots partout, même là où il n’en est rien. Pour d’autres élites, c’est simplement l’ignorance. Ils croient encore à la venue d’un sauveur, sinon, comment comprendre que leur champion soit un déserteur ? Sans présumer connaître le droit burkinabè, ne serait-ce pas ignorance que de penser qu’un déserteur peut simplement rentrer au pays et briguer la magistrature suprême, lui qui, ne daigna même pas répondre aux convocations de cette même justice dont il veut en être le premier magistrat ? Pour d’autres encore, c’est l’inertie ! Après 27 ans, ils sont prêts à reprendre les mêmes et recommencer ! Roch, Kadré, Zéphirin, Dijibril, etc., tous ont eu l’opportunité sous Blaise Compaoré de contribuer au développement du Burkina. À mon bon souvenir, ce n’est pas une tâche à la hauteur de laquelle ils se sont montrés ! Nous n’en serions pas là autrement. Qu’est-ce qui nous porte à penser que cela sera différent lorsqu’ils seront assis dans le fauteuil à Kossyam ?  Pour certaines enfin, c’est de toutes les paresses intellectuelles ensemble : idéologie, ignorance et inertie !

Conclusion

L’expression « tiers-monde » est tombée en désuétude, mais en réalité, la prééminence du « first world » sous-entend un autre monde qui est « second » ou « third ». L’Afrique doit se réveiller de sa léthargie, si elle veut apprendre à défendre les Africains contre les discriminations, à la manière d’Israël, de la Chine, de l’Inde, parce que sans une humanité qui est entière, « first », elle n’aura jamais une voie qui compte, qui est écoutée.

 

 

 

Koudraogo Ouedraogo

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Membre, Faso 2020 : http://faso2020.org

 

 

 

Références :

Jeune Afrique, Agriculture: l’achat de terres en Afrique, un business sous influences

 

>, 15 jan. 2019

  • Abhijit V. Banerjee and Esther Duflo. (2011). Poor Economics: A Radical Rethinking of the Way to Fight Global Poverty.

L’Afrique face au racisme (2/3) : Réaffirmer notre l’identité africaine.

La recrudescence du nationalisme en Amérique, en Europe, en Asie et même en Afrique a fait remonter les sentiments xénophobes dont les premières victimes sont le plus souvent, nous les Africains pour multiples raisons.
Dans la première partie de ma réflexion, j’ai argumenté que vu l’antagonisme séculaire entre les mots « blanc » et « noir », leur utilisation pour désigner des ethnicités ne se prêtait pas nécessairement une certaine concorde entre les ethnies humaines. Le vocabulaire « racial », une inexactitude scientifique, se révèle comme un frein à cette harmonie. Après avoir essayé d’embrasser les mots « Noir » et « Nègre », le constat que l’on peut faire est que cela ne nous a point réussi ; l’heure est donc venue de changer de stratégie.
Nous concluions que l’heure était venue de parler d’Africains et d’Européens et non de Noirs et de Blancs puisque l’on ne parle plus de Jaune, ni de Rouge mais plutôt d’Asiatiques et d’Indigènes d’Amérique. Nous convenions que mieux encore qu’un simple changement d’appellation et une mise à jour du vocable, toute l’identité africaine devrait être réaffirmée. Nous traiterons de cela dans cette seconde partie.

De la nécessité d’une nouvelle politique d’authenticité.

Dans beaucoup de cultures à travers le monde, le prénom est d’une importance capitale et remplit une fonction qui va bien au-delà de l’évidence qui est de distinguer son porteur parmi les autres. Chez les Romains (antiques), le prénom pouvait véhiculer des informations sur les circonstances de la naissance. Les « Lucius » par exemple étaient souvent nés à l’aube.
Il en est de même chez les Mossé: Yondé (En absence de) : né orphelin
Chez les Mossé encore, les prénoms dynastiques que prennent les chefs traditionnels sont censés placer le règne sous un certain augure : naaba Baogo, Kougri, etc.
Chez les lobi, le prénom peut codifier à la fois le sexe et la position dans la ligne de filiation, premier mal, première femelle, etc. : Sié, Ini, etc.
Le prénom est un élément culturel d’une très grande importance. Il véhicule la langue, l’histoire, la généalogie et même les croyances, et cela, aussi bien en Afrique que partout ailleurs. Amusons-nous donc à retrouver cette culture dans les prénoms suivants :
– Roch Marc Christian pourrait bien être Français, Allemand ou Juif,
– Ibrahim Boubacar est, sans aucun doute, Arabe, et
– Uhuru en définitive n’est ni Arabe, ni Allemand, ni Français, ni Juif !
En réalité, Roch Marc Christian est Burkinabé et Ibrahim Boubacar Malien, Uhuru est Kényan !
Est-il préférable de s’appeler Roch Marc Christian plutôt que Uhuru ? Tous deux sont économistes, l’un est président du Burkina Faso, l’autre du Kenya. Uhuru vient du Swahili et signifie liberté, cette indépendance du Kenya dont présageait son père Jomo. Le fait de se nommer Uhuru n’a en rien freiné l’épanouissement du fils de Jomo.
Mais la question n’est même pas de savoir s’il est préférable de s’appeler Uhuru ou Ibrahim Boubacar ou même Roch Marc Christian, la vraie question, comme le disait l’autre, c’est de savoir si un Français, ou un Juif, ou un Arabe, ou un Allemand ethnique s’appellerait Uhuru ? Oui, faire référence à Mobutu, c’est quand même osé ! Pourtant de la politique d’authenticité de Mobutu, J. Nyerere dira « Mise à part la légitimation de la dictature et l’aberration du nom Zaïre, nous pensons que l’authenticité fut fondamentalement une bonne chose. Mais elle fut une bonne chose portée par un des pires chefs d’État que le continent ait connu. »
En somme, chaque prénom étranger que nous donnons à nos enfants est un clou en plus dans le cercueil de nos cultures, de nos langues. Il est malheureux que les religions importées s’en rendent complices.

Africaniser les religions importées ou s’en débarrasser.

L’Afrique est sans conteste, le continent de toutes les religions. N’ayant pas développé de culte religieux organisé et endogène, les Africains ont depuis des siècles, importé leurs religions d’autres contrées. L’ubiquité de l’Islam par exemple est telle que même des personnes instruites dans nos universités sont incapables de voir une culture africaine en dehors de celle islamique. Quelle ne fut pas ma surprise, lorsque lors d’une discussion avec un ami sénégalais, à ma suggestion de bannir les religions importées, il me répondit : « et pour quoi faire ? retourner à l’état de nature ? ». Qu’un compatriote du grand Anta Diop, pensa que l’Afrique n’avait pas de civilisation avant l’arrivée de l’islam, me laissa perplexe. Que dire alors de tous ses royaumes animistes africains, grands centres d’art, de science et de culture qui ont vaillamment résisté à la conquête islamique ? Le Mali, le Ghana, le Mogho, etc.
Mais cela montre bien, la nature sournoise de l’acculturation due à la religion. Les religions, révélées ou non ne sont en fait que des extensions de la culture d’un peuple. Les croyances et les dieux d’un peuple font entièrement partir de sa culture. À ce titre, il n’existe pas vraiment de religion universelle :
Si le christianisme avait été inventé en Afrique de l’Ouest, le pain et le vin ne représenteraient certainement rien dans cette religion.
Si l’islam avait vu le jour au pôle Nord, le jeûne du ramadan ne se ferait point du lever au coucher du soleil puisqu’il s’y passe six mois entre les deux événements.
L’exportation ou l’importation de ces religions en l’état, sans y adapter la partie qui puise dans les rites, coutumes, pratiques et traditions locales, représente un reniement de la culture des autres, un génocide culturel.
Pourquoi l’iman et le prêtre ne baptisent-ils pas Noaga, ou Poko ? Rien, dans le dogme aussi bien chrétien qu’islamique ne l’empêche !
Qu’est-ce qui empêche Kougri (Pierre) d’être un bon chrétien ? À l’origine, le nom en araméen est Kephas! (1). C’est dire que les Pierre, Peter, Piotr, Pierce, Pedro, ne sont que des traductions. En quoi, donc, la traduction française ou anglaise ou espagnol est-elle meilleure que celle qui est en mooré, dioula, fulfulde ou dagara ? Si une divinité quelconque avait voulu que nous nous appelions tous comme Aboubacar ou Ibrahim, ne nous aurait-elle pas tous donné l’arabe comme langue ? Or, notre planète regorge de langues. N’est-ce pas s’opposer à la volonté des dieux que de rejeter et laisser mourir la langue et la culture qu’ils nous ont données ? N’est-ce pas là enfuir au sol les talents que nous avons reçus ? (2)
Pourquoi continuer à célébrer la messe chez nous avec du vin importé le plus souvent d’Europe ? À l’époque coloniale, l’objectif était d’asseoir une domination à la fois économique et culturelle. Que Rome continue de perpétrer cette aberration, démontre que peu de leçons ont été tirées du rôle néfaste qu’elle a joué aussi bien pendant la traite des Africains que pendant la colonisation, car aujourd’hui, c’est d’un génocide culturel dont elle se rend coupable ! L’Islam pourrait être jugé pire en la matière, elle qui va jusqu’à refuser la traduction de ses textes saints en langue vernaculaire. Partant du principe que toutes les langues vivantes évoluent dans le temps, il est tout de même ahurissant que l’on se refuse à faire transcrire et traduire par des experts des textes écrits depuis le septième siècle ! Allez donc lire un texte en ancien français et voyez si vous y comprenez grand-chose ! Juste une phrase : « A halte voiz, prist li pedre a crider » ! Cette phrase, tirée de la « Vie de saint Alexis », date à peine du 11ème siècle ! En français contemporain, cela donne « Le père se mit à crier à haute voix ». L’effet que cela vous fait de lire cette phrase en français médiéval, est sans doute le même que cela fait de lire des versets du Coran en arabe du 7ème siècle, aussi bien aux Arabes eux-mêmes, qu’aux non arabes ! Il n’est donc pas étonnant qu’en l’absence de transcription et de traduction non seulement en arabe contemporain mais aussi et surtout en d’autres langues, que chacun fabrique sans traduction, résultant donc aux interprétations dites « extrémistes » que nous connaissons. La vérité est simplement que, en l’absence de cette transcription et traduction officielle, toutes les interprétations sont valides à défaut du contraire. Il est donc temps pour le monde islamique d’arrêter de nous rabâcher les oreilles après chaque attaque terroriste avec des jérémiades sur le « vrai » Islam or la « vraie » interprétations des textes, et d’attaquer le taureau par les cornes en pourvoyant des transcriptions, traductions et même interprétations officielles des textes.
Pour nous, aucune superstition religieuse n’est supérieure à l’autre. En réalité, celui qui immole son poulet avec des incantations n’a rien à envier à celui qui sacrifie du pain, du vin ou un agneau avec d’autres incantations. Tous sacrifient à une entité dont nul ne saurait prouver l’existence ou la non-existence.
À chacun ses croyances. L’impérialisme n’est pas seulement politique et économique, il est aussi culturel, religieux ! On ne voit pas les bouddhistes ou les indouistes arpenter la terre pour convertir les gens. On ne voit pas non plus le grand prêtre traditionnel de mon village, ni le rabbin arpenter la place du marché pour répandre sa nouvelle, bonne ou mauvaise !

Sauver nos langues pendant qu’il est encore temps.

E. Macron, qui n’est pas venu nous donner des leçons à Ouagadougou, n’a pourtant pas manqué de continuer l’œuvre ignoble de sabotage culturel commencée sous la colonisation en nous invitant à faire nôtre la langue française (3). Il n’y a pas si longtemps de cela, des enfants du primaire et du secondaire devaient subir l’humiliation de porter une journée entière un gros os autour du cou. Leur seul manquement : s’être exprimé en langue indigène dans l’enceinte de l’école !
Non, monsieur le président, nous ne sommes pas français. Nous avons nos propres langues qui ne sont pas pires que le français. Quel intérêt avons-nous à parler français ? Aucun !
Le téléphone « parle » Lobiri, ou Djan, l’internet transmettra certainement nos emails en Dioula, et nous pourrons créer nos sites internet en Dagara. Vraiment, que gagnons nous à parler français ?
En Tanzanie, le Swahili est la langue d’enseignement au primaire. Il est utilisé dans le commerce, dans les basses cours de justice et même au parlement. Pourtant J. Nyerere qui a introduit cela quoique son pays compte plus d’une centaine de langues n’est pas Swahili. Même la BBC parle Swahili ! L’Anglais en Tanzanie n’est utilisé que pour l’enseignement secondaire et universitaire, la diplomatie et les hautes cours de justice. Au Burkina, cependant, il n’y a pas si longtemps, un procès a dû être ajourné par manque de traducteur !
On peut facilement deviner les avantages que cela procure de commencer son cursus scolaire dans sa langue maternelle ou au moins dans une langue que l’on maîtrise déjà ! Quels approfondissements peut-on apporter aux programmes du primaire si les écoliers ne devaient pas passer autant de temps à apprendre une langue étrangère ? En fait, la recherche scientifique dans le domaine reconnaît plusieurs avantages à suivre son cursus scolaire dans sa langue maternelle, et c’est pourquoi l’UNESCO recommande cela depuis 1953 (4) !
C’est cela qui se fait dans tous ces pays qui commencent à émerger en Asie. Ceux qui travaillent avec des Indiens vous diront que certains ingénieurs chevronnés n’ont qu’une maîtrise passable de l’anglais. Cela n’empêche en rien qu’ils soient de bons ingénieurs. Les ingénieurs burkinabè auront sans doute beaucoup plus de succès une fois qu’ils commenceront à penser en Mooré ou en Dioula pour résoudre des problèmes locaux. Je ne pourrais vous dire, si le fait de penser en français (au Burkina), nous conduit inconsciemment à trouver des solutions à nos problèmes qui sont plus adaptées à la France qu’au Burkina-Faso ! La recherche scientifique en tout cas, semble s’accorder pour dire que l’enseignement en langue vernaculaire permet le développement d’une meilleure façon de penser (5, 6, 7). Pour Mr. E. Macron, le président qui s’est entouré d’expert, et qui annonce la fin de la « politique africaine de la France », le moins que nous puissions dire ici, c’est que les intérêts de la France ont été, sur cette question, mis en avant, contre l’avis des experts, et contre les intérêts des Africains ! Ce n’est pas un bon départ, Mr. E. Macron : les langues que vous devez nous encourager à faire notre, devraient être les nôtres, pas la vôtre ! Vous avez manqué une belle occasion de nous montrer votre franchise, base de ce nouveau départ.

Valoriser nos us et coutumes, notre art, notre histoire.

Les colons sont arrivés chez nous convaincus qu’ils venaient nous porter la civilisation. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aient refusé de reconnaître nos institutions, nos us et nos coutumes, preuves palpables d’une civilisation vibrante : on ne peut pas civiliser celui-là qui l’est déjà ! En exemple, chez les Mossé, c’est le Pug Pusum (PPS) qui célèbre le mariage depuis que le monde est monde sans doute. Le colon a pourtant refusé de reconnaître ce mariage, pour nous imposer celui qui est célébré devant le maire, dans une cérémonie qui n’a aucun sens pour aucun moaga, lobi, birifor et quelque autre peuple de notre pays. Cependant, cela fait 57 ans que le colon est parti, et nous même les burkinabè, continuons, comme le colon avant nous, à refuser de reconnaître le PPS comme un acte valide de l’état civil ! Quand commencerons-nous à assumer notre indépendance en intégrant nos propres institutions dans l’État moderne ?
La révolution d’août 83 avait reconnu le besoin de revaloriser notre culture par la Semaine Nationale de la Culture (SNC). Une initiative louable, mais force est de reconnaître que le potentiel de la SNC reste largement inexploité : la SNC n’a pas su quitter le cadre restreint de la foire touristique biennale pour s’insérer dans la vie de tous les jours des burkinabè. Où sont les écoles de danse qui apprennent à nos enfants ces mêmes danses dans lesquelles nous compétitions lors de la SNC ? Où sont les gymnases de lutte traditionnelle ? Où sont les champs de tir d’archerie ? Où sont les écoles d’apprentissage du balafon, du kundé, du Djembé, etc.? Où est l’art martial burkinabè qui fait la synthèse de nos différents sports de combat ? Un art comme le Taekwondo coréen, quoique ayant des racines anciennes, n’a été formalisé qu’à partir de 1955 par le général Choi. Mettre ensemble des parades et des attaques pour constituer un art martial national est une chose à la portée de toutes les nations. La capoeira brésilienne tire la plupart de ses techniques dans les arts martiaux et les danses acrobatiques africaines. Pourtant, c’est au Brésil et non en Afrique qu’elle fut mise au point ! Il y a donc beaucoup à faire ou à refaire dans le domaine des sports et de la culture. C’est peut-être l’occasion de se poser des questions sur le mandat de T. Barry, qui, quoique portant des critiques acerbes au gouvernement qu’il a quitté, ne semble pas lui-même avoir été à la hauteur de nos attentes. Comment peut-on échouer dans une mission et prétendre à de plus grandes missions ? Quel impact positif T. Barry a-t-il fait dans les domaines cités ci-haut ? Dans le domaine de l’archéologie par exemple, le temps presse d’autant que, avec le désordre presque total que nous connaissons dans le domaine des mines, le pays entier est bêché du nord au sud et d’est en ouest sans que personne ne prenne les précautions nécessaires à la protection des vestiges archéologiques. Nous risquons vraiment de nous retrouver sans histoire si nous n’y prenons garde. Cela ne ferait point honneur à la mémoire de Joseph Ki-Zerbo. Des mesures de protections de notre histoires n’étaient-elles pas plus appropriées que certaines actions populistes telle le mémorial Thomas Sankara ?

Les Africains doivent être beaucoup plus fiers de leur culture, de leurs sports. Au Sénégal, la lutte traditionnelle sénégalaise est un sport national très prisé de la population. Voici un sport national qui a passé même l’étape de la professionnalisation. Les grands lutteurs sénégalais sont de véritables vedettes nationales ! Là encore, ce sport n’a pas su franchir les frontières du Sénégal et certains commencent même à vouloir lui apporter de la compétition en introduisant la lutte sumo.

Conclusion

Ce n’est pas un hasard si le colon, a préféré nous imposer sa langue : c’est non seulement pour nous imposer sa culture, mais aussi et surtout mieux asseoir sa domination, en contrôlant jusqu’à notre façon de penser ! Nous éviterons d’entrer dans le débat contemporain d’appropriation culturelle, qui fait rage aux USA, en Angleterre et dans d’autres pays avec des minorités non-négligeables d’Africains, qui voient l’utilisation d’élément de la culture africaine par la majorité caucasienne, comme un  » vol « . Nous notons simplement que nous n’en finirons jamais si nous retournons le débat dans l’autre sens : des Africains qui utilisent des éléments culturels caucasiens : religions, prénoms, langues, vêtements, nourritures, musique, instruments de musique, etc.
La colonisation a toujours été une question de puissance, de supériorité culturelle, religieuse et linguistique. C’est pourquoi, tant que nous n’aurons pas brisé notre dépendance culturelle, linguistique et religieuse, nous resterons des colonisés, même si nous sommes administrativement indépendants : nous resterons volontairement serviles, et ne forcerons ni respect ni admiration de personne. Après tout, existe-t-il pire dénigrement de soi-même, que d’abandonner son prénom, sa langue, sa religion, sa culture pour adopter celle d’autrui ?

Koudraogo Ouedraogo
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Références :
(1) Wikipedia,  » Peter (given name) « , < https://en.wikipedia.org/wiki/Peter_(given_name) >, version du 14 May 2017
(2) La Bible, La parabole des talents, https://www.societebiblique.com/lire-la-bible/matthieu/25.14-30/
(3) Jeune Afrique, Le discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou , http://www.jeuneafrique.com/497596/politique/document-le-discours-demmanuel-macron-a-ougadougou/ , 28 novembre 2017

(4) UNESCO (1953). The use of the vernacular languages in education. Monographs on Foundations of Education, No. 8. Paris: UNESCO, <http://unesdoc.unesco.org/images/0000/000028/002897EB.pdf >
(5) Bialystok, E. (2001). Bilingualism in development: Language, literacy, and cognition. Cambridge: Cambridge University Press.
(6) Cummins, J. (2000). Language, power and pedagogy. Clevedon, UK: Multilingual Matters.
(7) King, K., & Mackey, A. (2007). The bilingual edge: Why, when, and how to teach your child a second language. New York: Collins.

L’Afrique face au racisme : Pensées (1/3)

La montée récente du populisme ramène une fois encore, le « racisme » et la xénophobie au-devant de la scène politique mondiale.
Aux USA, c’est le président D. Trump qui s’affichait à la maison blanche avec deux racistes bien connus du public américain : Ted Nugent et Kid Rock, invités de la célèbre Sarah Palin.

Il refuse même initialement de condamner avec la plus grande fermeté les événements de Charlottesville (Virginie), où, une citoyenne a été lâchement assassinée par un suprématiste blanc.
En France, pour la deuxième fois de son histoire, le Front National a participé au second tour de l’élection présidentielle et a même remporté un tiers (1/3) des voix.
Le Royaume-Uni va quitter l’Union Européenne, pour dit-elle reprendre le contrôle de ses frontières et réduire l’immigration.
Au Burkina, en janvier, une certaine presse nationale se faisait l’écho des discriminations dont nos étudiants sont victimes en Tunisie.
En Inde, un groupe de diplomates africains donnait de la voix pour forcer les autorités policières à prendre un peu plus au sérieux, les gros problèmes de discrimination auxquels les étudiants africains sont confrontés.

En Mauritanie, le racisme et l’esclavage sont le lot quotidien de la minorité africaine.

Pour combler le tout, en Libye, des marchés d’esclaves sont ouverts pour tirer profit des immigrants subsahariens qui y sont bloqués.
La lutte contre le « racisme » fait rage depuis très longtemps et beaucoup sinon tout a été dit. Je voudrais, sans aucune prétention, apporter ma petite contribution. Pour ma part, trois principales causes favorisent le « racisme » de nos jours :

  • l’emploide la mauvaise terminologie ;
  • l’affaiblissement de l’identité africaine ;
  • la médiocre performance économique de l’Afrique.

C’est donc en trois parties que s’organise ma réflexion sur le « racisme », et dans cette première partie, nous nous pencherons spécifiquement sur les problèmes de terminologie.

Noir et blanc sont culturellement antagoniques.

La langue française et les autres langues d’Europe ont utilisé depuis presque 600 ans maintenant, le mot « Noir » pour parler d’un autochtone d’Afrique et « Blanc » pour désigner un indigène d’Europe.
Pourtant, le noir et le blanc ont presque toujours été opposés dans beaucoup de cultures.
En Inde par exemple, lorsqu’un chat noir traverse le chemin devant quelqu’un, cela représente un mauvais présage (1).

La même superstition peut être retrouvée dans beaucoup d’autres cultures occidentales, asiatiques et africaines.
La liste des expressions qui opposent blanc et noir est bien longue, car, il existe dans toutes ces cultures une vraie symbolique du noir et blanc :

  • le blanc pour la joie, la propreté, la pureté,
  • le noir pour le deuil, la saleté, la souillure, etc.

Alors pourquoi Blanc et Noir pour parler des Occidentaux et des Africains ?
Même quand on s’efforce d’apporter une définition de « Blanc » ou « Noir », comme le fait l’Office Américain du Recensement, on s’aperçoit que les définitions peuvent être très élastiques selon les temps. Il est bien connu par exemple que la définition de Blanc aux USA à une certaine période n’incluait pas les Juifs et les Irlandais. De nos jours, l’office cherche à redéfinir le terme, pour en exclure les personnes originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. (2)
Au Royaume-Uni, la définition de Noir par exemple, n’inclut pas les ressortissants du Bangladesh dont la couleur de peau, pourtant, n’est pas si dissimilaire de celle d’un Africain.

Les civilisations antiques ne connaissaient pas de Noirs

Il n’est cependant pas étonnant que l’humanité ne puisse pas s’accorder sur ces définitions, d’autant que nul n’est ni blanc, ni noir, ni jaune, ni rouge de peau ! C’est sans doute pour cette raison que nous avons bien arrêtée de désigner nos frères chinois et japonais par le terme « jaune » et nos frères indigènes américains par le terme « rouge».

Pourquoi alors persistons-nous avec les termes « Noir » et « Blanc » ?
Je comprends encore moins cette insistance en tant qu’Africain d’autant que nos propres langues désignent l’Occidental par des termes comme « nassara », « toubabou », etc., des mots qui n’ont rien à voir avec le « blanc », respectivement « pèlega » et « gwèma » en Mooré et en Dioula.

Quant à notre propre notion de nous-mêmes, le Moaga s’est toujours vu en Moaga. Les notions de « nii sablega », « fara fiing », sont clairement des traductions littérales faites sous l’influence des langues européennes.

Les Romains et les Grecs antiques n’ont jamais parlé des Noirs en tant que groupe. Les Égyptiens, non plus, d’où d’ailleurs l’impossibilité aujourd’hui de conclure définitivement comment ils se voyaient eux-mêmes en matières de couleur de peau. Par contre, nous savons que les Nubiens dont parlent les Égyptiens antiques, seraient aujourd’hui qualifiés comme des « Noirs » !

Les israélites, dont certains écrits existent encore aujourd’hui dans certains livres saints, ne font mention nulle part de Noirs en parlant d’Africains ! En effet, dans le fameux « je suis noire, mais je suis belle » du Cantique des cantiques, ce n’est pas du tout d’une femme africaine dont il s’agit, mais plutôt d’une femme brûlée par le soleil, comme le dit la suite du texte : « ne prenez pas garde à mon teint noir, c’est le soleil qui m’a brûlée ; les fils de ma mère se sont irrités contre moi ; ils m’ont mise à garder des vignes ; ma vigne, à moi, je ne l’ai pas gardée.? » (3).

Ce texte du Cantique des cantiques datant du 5e siècle avant J.C. ne peut être compris que dans son propre contexte. Comment peut donc interpréter le verset du cantique des cantiques pour dire qu’il parle d’une femme africaine, une femme « noire » ? Une Juive brûlée par le soleil, est bronzée, pas noire, « je suis bronzée, mais je suis belle ». Notons aussi au passage que, ce livre ancien est écrit en Hébreu. Cela veut dire que les traductions telles que celles que nous connaissons et citons plus haut, n’engagent vraiment que les préjugés des traducteurs. Il s’agit de traductions faites à une époque où la plupart des églises fermaient les yeux, ou même, encourageaient la traite des Africains.

Pourquoi l’auteur du cantique utiliserait-il un « mais », comme dans « noire mais.. », s’il s’agissait d’une femme africaine alors même que dans le livre de l’exode, la femme de Moïse, Sephora, connue pour être une femme d’une beauté exceptionnelle, est aussi une bergère Koushite (Éthiopienne) (Nombre 12 :1) ? La jeune femme du cantique évoque plutôt sa condition d’être mise à garder les vignes comme une servante.

C’est l’esclavage et la colonisation qui créent le Noir

Comment du reste, le cantique des cantiques pourrait-il parler de noir pour désigner l’ethnicité d’une personne, alors même qu’il faut attendre jusqu’au 15e siècle pour que les Portugais commencent à désigner les Africains par le mot « Noir » après qu’ils aient commencé à coloniser et exploiter des territoires africains ?

C’est donc l’opportunité d’exploiter le continent africain juste après le premier voyage européen vers l’Amérique, que l’homme « Noir » et « Blanc » voit le jour. Avant cette période, on parlait d’Égyptiens, d’Éthiopiens, et d’Africains, de Romains, de Juifs, de Cananéen, etc.
Le mot « Noir » pour désigner un Africain est né des moments les plus sombres de notre humanité.

C’est pourquoi, nous Africains devrions, à mon humble avis le rejeter tout simplement, parce que d’abord, ce n’est pas de cette façon que nous nous concevons nous-mêmes et puis ensuite, parce que nous savons que ce n’est pas à la couleur de leur peau que les gens sont différents, mais plutôt à leur culture.

Ce rejet ne serait rien de nouveau, puisque, notre histoire récente regorge d’autant d’exemples de rejet, qui ont vu le Dahomey, la Gold Coast, le Soudan Français, la Haute-Volta devenir le Bénin, le Ghana, le Mali, le Burkina-Faso ! Combien sont-ils qui ont entendu parler de la Volta Noire, Volta Blanche ou Volta Rouge au Burkina-Faso? Encore des obscénités portugaises que nous connaissons aujourd’hui comme le Mouhoun, le Nakambé et le Nazinion.

Nous ne sommes pas obligés d’accepter les inexactitudes, sobriquets et les autres termes dérisoires des autres, pas même dans leur propre langue, et le peuple Khoïkhoï nous l’a si bien démontré en rejetant catégoriquement le sobriquet « Hottentot » par lequel ils furent désignés pendant de nombreuses années, pour revendiquer leur nom propre par lequel ils se sont toujours désignés eux-mêmes et que tous aujourd’hui, nous utilisons : Khoïkhoï.

Les Chinois par exemple, ont traditionnellement dénommé l’Européen par le terme « Gros Nez » ! Nul besoin de vous dire que l’Occident a objecté à cette appellation !

Une terminologie linguistique vétuste

Il existe dans les langues contemporaines, tout un lexique hérité de cette période peu recommandable de notre histoire commune qu’il convient de rejeter. L’on parle encore de « traite négrière » en langage soutenu et officiel français ! Ce n’est même pas la traite des Noirs, encore moins la traite des Africains ! Comme s’il existait une ethnicité nègre, différente de celle des Africains ! Pourquoi nous Africain, nous rendons-nous complices en utilisant ces termes ?

L’on parle aussi de « racisme » alors même qu’on ne peut pas vraiment parler de « races humaines », dans le sens scientifique du terme : la planète terre abrite de nos jours, une seule race d’humanoïdes : l’homo sapiens sapiens. Cette précision est très importante, parce que, certains qui comprennent mal l’histoire de l’évolution darwinienne, semblent penser que nos cousins occidentaux sont une race différente qui serait plus évoluée que nous Africains : eux sont sortis d’Afrique pour évoluer en une autre « race », tandis que nous sommes restés en Afrique sans évoluer, en témoigne la différence de couleur par exemple !

Cette confusion n’est possible en partie, que si nous insistons dans l’utilisation de termes inexacts en parlant d’individu de race « blanche » ou « noire », de migration « hors » d’Afrique comme si la migration avait concerné toute l’espèce humaine.  Même si nous devons parler de race, parlons plutôt d’Africain et de Caucasien, surtout pas de « Noir », ni de « Blanc ». Après tout, moins de 0.01% de nos gènes sont responsables de notre apparence externe. (4)

Bien sûr, toutes les ethnies humaines ont leurs racines en Afrique, mais une seule ethnie a toujours ses racines en Afrique, et la présence de Moyen-Orientaux au nord ou d’Occidentaux au sud n’y change rien, puisque nous savons exactement d’où ils viennent et quand ils sont arrivés !

Et pendant que nous y sommes, avons-nous encore besoin de la mention du teint sur nos CNIB ? Ils s’en sortent pourtant aux USA, en Europe, sans pour autant parler d’Africain au teint clair ou noir ! Pourquoi alors nous Africains en aurions-nous besoin ? Encore un de ces vestiges de la colonisation que nous héritons et utilisons sans jamais questionner ?

 

 

Conclusion

Vu le symbolisme du noir et du blanc, que les mots « Noir » et « Blanc » soient utilisés pour désigner des ethnicités humaines, ne peut qu’engendrer des difficultés presque insurmontables d’autant que ces mots ont beaucoup trop de bagages, qui jouent volontairement ou involontairement le jeu de la bigoterie. Ces mots ont bien montré leur géométrie variable, redéfinie selon les temps et les modes du jour, Noir, tantôt pour inclure tous ceux qui ne sont ni Occidentaux, ni Orientaux, tantôt pour désigner les Subsahariens seuls, et Blanc, tantôt pour inclure les Sémites (Juifs et Arabes), tantôt pour les en exclure. Deux mots dont les antagonismes sont aujourd’hui cristallisés par la société des USA, qui leur donne aussi cette endurance dans le temps.

En effet, il n’y a jamais eu de courant littéraire de la « Jaunitude », ni de la « Rougitude ». C’est peut-être aussi, à cause de cela que les mots « Jaune » et « Rouge » pour désigner les Orientaux et les indigènes d’Amérique ont complètement ou presque disparu du langage commun et courant.
Il y a cependant eu le courant de la « négritude », qui a beaucoup fait pour enlever la connotation péjorative au mot « nègre ». Après la « négritude », le hip-hop a aussi embrassé le mot « nègre », (« nigga » comme le disent les rappeurs) avec le même objectif de lui enlever sa connotation péjorative ; mais, à ce sujet, le Dr. Maya Angelou disait du mot « nigga », qu’il est « comme un poison ; que vous preniez le poison d’un flacon ou que vous le versiez dans du cristal bavarois, c’est toujours du poison. »
Peut-être peut-on dire de même du mot « Noir » ? Noir, Nègre, ce n’est qu’à partir du 15e siècle que ces mots apparaissent pour diaboliser et déshumaniser le Nubien, l’Éthiopien, le Soudanais, le Sénégalais, etc. Les Irlandais par exemple, qui eux-mêmes souffraient sous le joug du Royaume-Uni, ont vu à sa juste valeur l’intention de diabolisation dans cette désignation qui venait d’être inventée pour se référer aux Africains. Ainsi, en gaélique (irlandais), le « Noir » est « an fear gorm », littéralement traduit en « l’Homme Bleu », parce que dans la culture gaélique d’Irlande, « an fear dubh », « l’homme noir », n’est nul autre que le diable.

Blanc ou Noir, cela n’a pas d’importance en réalité, sauf que les faits sur le terrain sont autres : les termes divisent, contrastent, opposent et confrontent depuis le 15e siècle. N’est-il pas enfin temps de tourner la page ? La génétique moderne a détruit une fois pour toute, le mythe de la race noire, blanche, jaune et rouge. Les mutations génétiques sont aléatoires, et c’est la sélection naturelle qui pérennise ou non la mutation, du fait que cette mutation donne oui ou non un avantage vis à vis de l’environnement dans lequel nous vivons : l’Afrique, l’Europe, l’Asie, l’Amérique, l’Océanie sont les facteurs qui font que nous sommes comme nous sommes. C’est pourquoi, je suis Africain, moi Burkinabè, de même qu’un Sud-Africain dont je suis pourtant plus dissimilaire génétiquement, que nous ne le sommes avec un Européen ; et je n’ai pas plus en commun avec le natif d’Australie qu’avec le Japonais, parce que nos couleurs de peau seraient similaires. (5)  Mais, plus que le rejet d’un terme scientifiquement inapproprié, c’est toute l’identité africaine qu’il faut réaffirmer. Nous traiterons de cela dans la deuxième partie de cette réflexion.

 

 

 

 

 

 

Koudraogo Ouedraogo

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Références :

,< https://nothinginbiology.org/2014/07/01/a-guide-to-the-science-and-pseudoscience-of-a-troublesome-inheritance-part-i-the-genetics-of-human-populations/> ,01 Juill. 2014

Leçons de Harare à Ouagadougou

Le dénouement du drame que vient de connaître le Zimbabwe, ravive en nous, les mémoires de la révolution des 30 et 31 octobre et nous inspire à établir un parallèle entre les deux pour en tirer les enseignements qui s’imposent.

 

L’alternance démocratique en fond de toile.

Au Burkina-Faso, c’est l’obstination à sauter le verrou de l’article 37 qui allait faire basculer les choses. À tort ou à raison, l’article 37 de notre constitution est vu comme le garant de l’alternance démocratique au sommet de l’État. Las de ses longues années de combat contre le régime Compaoré, l’article 37 restait bel et bien la dernière arme du peuple pour se débarrasser démocratiquement d’un despote qui était devenu plutôt encombrant.

Ce sont, si l’on veut voir clair, les mêmes raisons, qui allaient faire basculer les choses au Zimbabwe. La volonté affichée par Mugabe, d’empêcher cette alternance au sommet de l’État, en destituant le 6 novembre 2017, son dauphin constitutionnel, le vice-président E. Mnangagwa. Fait aggravant, c’est un proche de sa femme, Grace Mugabe, qui devient vice-président, donnant ainsi raison à ceux qui pensent que le chemin était progressivement déblayé par le mari pour que sa femme lui succède. À 93 ans, il n’y avait aucun doute que le départ de Mugabe de quelques façons n’était qu’une question de temps. La vice-présidence, de ce point de vue, restait donc aussi la dernière arme pour assurer une alternance démocratique paisible.

 

Révolution populaire contre coup d’État

Si les causes, aussi bien au Burkina qu’au Zimbabwe sont les mêmes, c’est sans doute là que les comparaisons s’arrêtent.

En effet, pour sauver l’État, c’est à une révolution que les Burkinabè ont recours. Le peuple est dehors, les affrontements sont meurtriers avec les troupes de Yacouba Isaac Zida ; mais le peuple prend le dessus. C’est alors que, dans le bref cafouillage qui suivit la démission du Président du Faso, le même commandant, les mains encore fraîches du sang des martyrs de la révolution, allait se bombarder Président du Faso, usurpant ainsi la révolution du peuple.

À l’opposé, au Zimbabwe, tout commence par ce qui n’est ni plus ni moins qu’un coup d’État, dans le principe en tout cas. D’abord, ce sont presque une trentaine de hauts gradés de l’armée qui menace d’intervenir si ce qu’ils appellent « l’épuration au sein du ZANU-PF » ne cesse pas. C’est bien cela qui fait de l’intervention de l’armée zimbabwéenne un coup, car, le rôle de l’armée dans une république n’est point de s’immiscer dans les affaires internes d’un parti politique, fut-il le Parti au pouvoir !

Il n’en demeure pas moins cependant que le coup d’État de fait, n’a jamais été constaté au Zimbabwe ! Le gal. Chiwenga, dont les hommes contrôlaient entièrement l’appareil d’État, s’est bien gardé non seulement de suspendre les institutions de la République, mais aussi et surtout de se bombarder président de la République. Pendant une semaine entière, avec tous les atouts pourtant entre ses mains, il allait négocier sa démission avec un président de la République qui, pourtant, était son prisonnier.

Enseignements

Premièrement, au Burkina, comme au Zimbabwe un nouvel impératif a été établi désormais au sommet de l’État : l’alternance. Les peuples sont désormais attachés à l’alternance au sommet de l’État, et quiconque essayera d’entraver cette alternance trouvera plus fort que lui pour la défendre.

Deuxièmement, le problème de l’alternance est un problème à au moins deux degrés. Le premier degré est légal, constitutionnel parfois. Le second degré est plus subtil, il concerne le respect de l’esprit de la loi, de la constitution ; l’application effective du premier degré.

Le peuple ou l’armée ne peut que résoudre le premier degré, mais il appartient aux hommes politiques de parachever le problème de l’alternance en résolvant les entraves à l’application de l’esprit de la loi. Ainsi, au Burkina, le peuple est sorti pour défendre l’article 37 et au Zimbabwe, l’armée est sortie défendre la vice-présidence. Aucun de ces deux événements n’est suffisant en lui-même pour garantir l’alternance au sommet de l’État. Au Burkina, du fait de l’absence d’élections véritablement libres et crédibles, nous avons eu droit à un remplacement au sommet de l’État. Au Zimbabwe, c’est vers un scénario similaire que l’on s’achemine, d’autant que celui qui présidera au destin du pays désormais, est non seulement plus ou moins désigné par les militaires, mais aussi n’est nul autre qu’un « crocodile » du ZANU-PF. E. Mnamgagwa pourrait-il ou même voudrait-il s’affranchir du ZANU et de l’armée pour avoir les coudées franches pour reformer le pays ? Pourrait-il organiser des élections crédibles en septembre 2018 ?

Et qu’en est-il de la crédibilité des élections au Burkina-Faso ? C’est un secret de polichinelle que de dire qu’à chaque élection ceux qui se vantent d’être de bêtes électorales ne trouvent pas mieux à faire qu’acheter littéralement les consciences ! Opposition comme pouvoir sait que la seule façon d’organiser des élections libres, transparentes et crédibles, passe par seulement deux choses :

  • Un fichier électoral crédible,
  • Un respect strict du secret du vote

Finalement, le gal. C. Chiwenga vient de prouver de la plus belle façon un argument que nous défendons depuis des années : au soir de la démission de Blaise Compaoré, il existait des choix qui auraient pu honorer la révolution du peuple. Cependant, des hommes comme Y.I. Zida, on fait le choix d’usurper la révolution du peuple. C’est leur choix, mais il convient alors qu’ils répondent devant le peuple. Justice doit être rendu à ceux qui sont tombés fauchés par les ambitions personnelles des uns. Mieux encore, les burkinabè ont un droit, sinon le devoir, de connaître, les tenants et aboutissants de cette page de notre histoire ! Il n’y a pas de parenthèses en histoire, sinon l’histoire devient incomplète. Il est donc impératif que Y.I. Zida parle, de gré ou de force, et qu’il parle la vérité pour nous restituer à tous, cette page de notre histoire qu’il essaye de nous voler ! La vie publique impose des exigences vis-à-vis de l’histoire. Nul n’est force à se mettre au-devant de la scène ; alors, lorsqu’on le fait, il faut bien se soumettre aux exigences qui vont avec ! Nous sommes quand même au pays de Joseph Ky-Zerbo !

Il est aussi impératif que les autres parlent, et c’est pourquoi, trois ans plus tard, nous nous impatientons de voir les procès se tenir pour que la vérité historique soit restituée. La justice burkinabè doit avoir les moyens qu’il lui faut pour accélérer les procédures en cours.

 

Conclusion

« Les masses du Zimbabwe se sont libérées de la dictature ! », s’est ainsi exclamé Jacob Mudenda, président de l’Assemblée nationale, pour annoncer la démission de R. Mugabe. Pendant que les Zimbabwéens sont en liesse, les observateurs dont nous sommes, nous interrogeons :

  • De quelles masses parle-t-il lorsque nous n’avons vu que l’armée ?
  • De quelle libération parle-t-il lorsque c’est la même armée qui a maintenu Mugabe au pouvoir pendant 37 ans, comme Y.I. Zida et ses hommes ont maintenu Compaoré au pouvoir toutes ces années ?
  • – De quelle libération parle-t-il lorsque l’armée lui impose des contournements constitutionnels afin de mettre à la tête de l’État, nul autre que l’homme qui a exécuté toutes les basses besognes du régime ces 37 dernières années ? Le « crocodile » qui n’est enfin sorti de sa torpeur que, lorsque sa propre existence fut menacée ? Le parallèle est trop frappant avec un certain officier de l’ex-RSP !

C’est le même « crocodile » sclérosé pendant 37 ans, qui annonce, pour ceux qui veulent bien le croire le « début d’une démocratie au Zimbabwe ! ». Si elle débute cette démocratie au Zimbabwe, l’on se demande ce qu’il en était avant son début, pendant que lui était vice-président. Un peu comme ceux qui voulaient gouverner à partir de la place de la Nation, n’est-ce pas ? Sauf qu’ils se sont vite installés dans le luxe à Kossyam, sans même y avoir été invités par personne !

En somme, les Zimbabwéens ne sont pas au bout de leur peine, peut-on légitimement conclure à l’analyse de la situation.

Les Burkinabè, non plus : la justice doit être rendue, et finalement le pouvoir doit être remis au peuple par des élections vraiment libres et transparentes. C’est la seule façon de rendre hommage à la révolution du peuple et d’éviter une ultime révolution. La priorité au Faso, ce n’est pas une nouvelle constitution, c’est plutôt un renforcement de la loi électorale. Il faut en extirper toute échappatoire qui entretient, favorise et maintient la triche. En particulier, tout appareil de copie, photocopie, photographie et de téléphonie doit purement et simplement être interdit d’accès au bureau de vote, pour assurer le secret du vote ! L’autre priorité, c’est le fichier électoral ! Dans un pays de 18 millions d’habitants, même majoritairement jeunes, c’est une honte de n’avoir que 3 millions sur le fichier électoral ! Selon certaines sources (1), en 2016, on compte au moins 8 millions de burkinabè ayant 20 ans et plus.

La plus belle constitution du monde ne nous vaudra rien si à la base, le peuple est savamment empêché de s’exprimer librement !

 

 

Koudraogo Ouedraogo

Blog : https://burkinafache2015.wordpress.com

Membre, Faso 2020 : http://faso2020.org

(1) https://www.populationpyramid.net/fr/burkina-faso/2016/

« Je suis né dans ce trou et je mourrai dans ce trou ! »

C’est dans « L’Âge de glace 2 », alors que la fonte des glaciers entraîne une migration en masse des animaux vers les hautes terres, le grand-père hérisson refuse de suivre la horde. Il refuse de fuir, et ne veut qu’une seule chose : rester dans son trou. Il s’exclame donc ainsi pendant que sa famille essaye de le retirer de force de son trou ! Une série que mon fils adore.

C’est une scène maintes fois répétée dans les films hollywoodiens : lorsque la catastrophe s’est abattu sur une terre et que tout le monde se réfugie ailleurs, il s’en trouve toujours un, têtu, qui refuse de fuir, d’abandonner la mère-patrie, préférant y mourir plutôt que d’aller vivre à l’étranger !

Étonnamment, cet amour de la mère-patrie ne semble pas exister chez beaucoup d’hommes politiques africains. Ou du moins, il existe, mais d’une autre façon. On aime la patrie, on l’aime tant que l’on reste aux affaires, éternellement. On veut même mourir aux affaires, mais à l’étranger :

Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa ZA Banga, pour lui donner son nom entier, l’architecte de l’authenticité, a présidé 32 ans au destin du Zaire, l’actuelle RDC. C’est pourtant au Maroc qu’il est mort d’un cancer maintes fois traité en Suisse, l’authenticité n’ayant jamais fait tache d’huile dans les structures sanitaires, puisque s’étant limitée juste à son nom.

Après 58 ans passés à la tête du Gabon, c’est dans une clique barcelonaise qu’El Hadj Bongo Ondimba, rendit l’âme.  L’homme qui se refusait à comparer les per diem des burkinabè aux salaires gabonais n’avait pas édifié des structures sanitaires à la hauteur de ses salaires.

Après 38 ans au poste de président de la République du Togo, c’est à bord d’un avion médicalisé que la mort allait rattraper Gnassingbé Eyadema dans sa fuite vers l’Europe pour se faire soigner. L’homme qui avait bâti la « petite Suisse de l’Afrique » en attirant à Lomé, sa capitale, les sièges de beaucoup d’institutions bancaires de la région (Ecobank, Orabank, BOAD, BIDC, Coris Bank, etc.), n’avait pas su accompagner ce succès avec des infrastructures sanitaires dignes.

Ils sont aussi nombreux ceux qui, après avoir fait le tour des cliniques européennes sont revenus rendre l’âme chez eux :

Félix Houphouët Boigny est resté à la tête de la Côte-d’Ivoire, depuis son indépendance en 1960, jusqu’à sa mort en 1993. L’homme qui a construit la plus grande basilique du monde en Côte-d’Ivoire, avait négligé d’y construire un hôpital digne du nom, lui qui était médecin de formation ! C’est donc en France qu’il alla se soigner de son cancer.

Umaru Yar’ Adua, un homme qui se réclamait volontairement marxiste, a été élu président du Nigeria en 2007. Commençaient aussi trois longues années d’évacuations sanitaires vers l’Allemagne et l’Arabie Saoudite pour des soins relatifs à son problème rénal. L’homme n’a fait que 3 ans au pouvoir puisqu’il mourut en 2010. La question que l’on se pose, est de savoir pourquoi un marxiste a voulu se soustraire au sort du peuple en allant s’offrir des soins ailleurs ou la majorité des masses prolétaires qui l’ont porté au pouvoir ne pouvait le suivre ?

En somme, pour l’élite politique africaine, n’importe quel trou pour mourir, est préférable à leur pays d’origine :

Mugabé qui fustige l’impérialisme à longueur de journée, ne pouvant pas se rendre en Europe ou en Amérique parce que, interdit de séjour dans ces pays se soigne en Malaisie, à Singapour et à Dubaï. Ses propres enfants se la sucrent en Afrique du Sud, plutôt que de vivre dans le Zimbabwé de leur père.

Dos Santos, un autre pilier du marxisme africain en Angola, vient de rentrer d’Europe où il a reçu des soins.

Paul Biya, président du Cameroun vit semble-t-il en permanence à Lausanne en Suisse où il se fait soigner ainsi qu’en Allemagne, pendant que sa femme préfère la France. C’est la honte de l’Union africaine.

Plus proche de chez nous, on se rappelle que le dictateur burkinabè Blaise Compaoré était allé se faire opérer d’une simple cataracte à Paris. Depuis son exil en Côte d’Ivoire, c’est plutôt au Maroc qu’il est allé se faire soigner de sa fracture du pied. Son hôte ivoirien lui-même, n’arrête pas de défrayer la chronique quant à ses nombreuses visites dans les cliniques et hôpitaux de France. L’on se rappellera que dès le lendemain de sa prestation de serment, c’était paradoxalement, en France qu’il s’était rendu pour son bilan de santé. Avec Idriss Déby du Tchad et Ali Bongo du Gabon, Alassane Ouattara est un habitué du très cher Hôpital américain de Neuilly. A. Ouattara s’apprête à quitter le pouvoir avec un bilan économique plus que positif, mais comment peut-il se retirer la conscience tranquille quand lui se soigne en France à coup de centaines de millions pendant que les Awa Fadiga meurent au CHU de Cocody sans même recevoir des soins préliminaires ?

Plus récemment, c’est Buhari, le président du Nigeria, qui vient de rentrer au pays après presque trois mois passés en Angleterre pour des soins médicaux.

Salif Diallo, deuxième personnalité politique du Burkina – Faso est mort en France après être passé en Tunisie pour des soins. Il s’agit là d’un fait qui contraste nettement avec les éloges qu’il nous a été donné d’entendre et de lire lors de ses obsèques. En effet, l’acte de se rendre à l’extérieur de son propre pays pour des soins, est en lui-même l’aveu d’un échec : une incapacité notoire à transformer qualitativement le sort de son pays ! Comment peut-on être resté aux affaires aussi longtemps dans son pays sans avoir pu lui offrir une structure sanitaire digne du nom ?

La mort de Salif Diallo à l’étranger dévoile au grand jour, 30 longues années d’échec, de médiocrité, d’antipatriotisme, d’égoïsme au sommet de l’État. On ne peut pas être patriote et, de son pays, donner à voir ce minable spectacle des évacuations sanitaires où les plus riches et les plus puissants rançonnent les plus pauvres pour aller se faire prolonger la vie ailleurs ! Imaginons un instant le tollé, si en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, etc., l’Etat permettait que certaines personnes, eu égard à leur « importance » supposée, puissent sauter la queue pour se mettre en première position sur une liste d’attente d’organe !

Il ne s’agit ni d’un problème d’argent, ni d’un problème de compétence. Nous formons aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos pays des médecins qualifiés. Tout ce qui leur manque, c’est l’expérience et les moyens appropriés pour mener à bon port leur mission. Il se trouve que nous préférons dépenser nos faibles ressources pour le bonheur de quelques privilégiés plutôt que pour le pays entier. En effet, certaines sources placent le coût d’un avion médicalisé à la bagatelle de 78 millions de nos francs et celui d’un séjour à l’hôpital américain de Neuilly à presque 200 millions CFA. L’argent ne manque donc pas pour construire et équiper dans nos pays les hôpitaux qu’il faille. C’est plutôt la vision, le patriotisme, la compassion qui manquent.

Nous avions demandé et obtenu sous la transition un arrêt des évacuations sanitaires aux frais de l’État. C’était pour mettre tout le monde dans la même barque et forcer les décideurs à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de l’état de nos structures sanitaires, ou alors, mourir dans le même trou que le reste du peuple : « Tous les burkinabé naissent libres et égaux en droits » peut-on lire à l’article premier de la Constitution ! Un article qui n’a plus aucun sens puisque le MPP, une fois au pouvoir, a ramené les évacuations sanitaires sans que même qu’aucun parti de l’opposition ou de la majorité, n’en questionne le mérite ! Il y a même lieu de saisir la cour constitutionnelle pour qu’elle se prononce sur le caractère anticonstitutionnel du système des évacuations sanitaires tel que présentement implémenter au Burkina-Faso.

Quel type de société sommes-nous, si nous décidons que le président de l’Assemblée Nationale, ou la présidente du PDC mérite plus d’être en vie que l’anonyme paysan de Kankalaba ? Sur la base de quels critères ? De quel droit ?

Koudraogo Ouedraogo

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