1/ Un scrutin libre et sincère
C’est l’avis de tous les observateurs : le scrutin a été libre et sincère ! Oui, il y a eu des irrégularités, des insuffisances, mais, pas de nature à faire douter de la sincérité du scrutin, qui je pense, nous donne la preuve, si l’on en voulait une, qu’il était non seulement impératif mais aussi nécessaire de protéger le secret du vote en interdisant les appareils de photographie dans les isoloirs. Il est déplorable que certains bureaux n’aient pas fait respecter la loi, mais pour une première fois, le bilan est globalement satisfaisant. Petit à petit, si ce n’est déjà fait, les partis comprendront qu’il ne sert plus à grand-chose de se montrer pendant la campagne électorale pour réaliser des formations en maraîchage ou distribuer gratuitement des cyclomoteurs et de l’essence. De telles pratiques, ne garantissent plus en rien le vote de l’électeur. Il faudra trouver d’autre façon de faire passer son message.
Notons aussi au passage, le fait étrange qui consiste à mettre les insuffisances de la CENI sur le dos du pouvoir, ou même de prétendre qu’elle se trouve biaisée en faveur du pouvoir. Ceci est bien étrange puisque justement, toutes les parties, pouvoir, opposition et société civile sont représentées à part égale par 5 commissaires. La seule raison d’être de la CENI, c’est justement d’éviter que le pouvoir de l’heure organise les élections. Si la structure n’est pas adéquate pour garantir sa mission première, alors reformons-la, ou débarrassons-nous-en. En tout état de cause, il n’est pas logique que les 3 groupes de commissaires organisent les élections et qu’ensuite l’un des groupes se mette à accuser les autres, surtout sans apporter des preuves. Il faut faire très attention à ce genre de comportements irresponsables qui pourraient dégénérer très rapidement.
2/ Opposition ne signifie pas toujours critiquer.
S’opposer, c’est être d’un avis contraire certes, mais en politique, le but d’une opposition n’est pas de toujours prendre le contre-pied ! Une opposition responsable doit savoir renforcer et soutenir le parti au pouvoir lorsque cela est nécessaire. Sur la question de la sécurité, il nous a été donné de voir une opposition sans propositions concrètes et sérieuses, mais qui s’opposait quand même, parce que lorsque leurs propositions ne nous relataient pas ce qui avait été déjà fait sur le terrain (renforcement des capacités de l’armée et du renseignement), elles tournaient alors au ridicule (négociation avec les terroristes). Connaissez-vous un seul pays qui négocie avec des terroristes ? N’allez surtout pas me dire les États Unies d’Amérique, parce qu’ils ne le font pas sur leur territoire. Oui, ils négocient en Afghanistan, mais jamais aux USA. En Algérie, ce n’est la négociation qui est venue à bout de l’AIS et des GIA, mais plutôt la résistance populaire, un succès que le Faso essaie de répliquer à travers ses Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Il faut noter que cela a pris 10 ans en Algérie. Sur le plan de la lutte contre la radicalisation des jeunes, le plan d’urgence pour le Sahel a été élaboré est en cours d’application. Que peut-on faire encore à part souhaiter que nos FDS et nos services de renseignements soient plus efficaces sur le terrain ? Or sur ce plan même, nous avons l’appui de la France. Les djihadistes nous attaquent parce que disent-ils, nous avons changé de régime et ils n’aiment pas notre nouvelle politique ; eh bien, la réélection de Roch Kaboré est bel et bien un message du peuple burkinabè à ces djihadistes : « C’est bien nous, peuple du Burkina qui élisons nos responsables, et aucun djihadiste ne nous fera changer d’avis ! »
L’autre grand thème de cette campagne était celui de la corruption. Comme disait Zéphirin Diabré lui-même, « si tu fais gnūk, on fait gnõk !» (Si tu puises, on t’attrape). Mais n’est-ce pas justement parce que l’on fait « gnõk » que nous parlons tous de ceux qui ont fait « gnūk» ? La lutte implacable contre la corruption ne signifiera jamais que personne n’essayera de faire « gnūk». Par contre, elle signifie que nous ferons toujours « gnõk » si y a « gnūk» ! Si cela n’est point le cas déjà, Mr Diabré serait bien inspiré de porter à l’A.N le projet de loi pour renforcer la lutte contre la corruption, et la majorité actuelle serait mal inspiré de ne pas la voter ! Le déroulement, même en partie du PNDES a pris de court plus d’une personne, moi inclus. Il n’est demeure pas moins qu’il existait beaucoup de thèmes sur lesquelles l’opposition aurait pu contre-attaquer : la réduction de notre dépendance des bailleurs de fonds après le fiasco du financement du PNDES, le passage à l’ECO et le rôle néfaste que joue la parité fixe sur l’exportation, le contrôle de l’inflation par la BECEAO et son rôle néfaste sur le financement de l’économie, etc.
3/ La révolution des 30/31 octobre 2014 se porte à merveille
Contrairement à ceux qui lisent dans la réélection de Roch une certaine mort de la révolution du 30/31 octobre 2014, personnellement, j’y vois plutôt un succès de cette révolution. Je n’aurais jamais dit la même chose au sortir des élections de 2015 ! À cette époque, il y avait bien trop de suspicions autour du MPP pour nous permettre de penser une seule seconde qu’il porterait le flambeau de notre révolution. Mais, voilà, cinq années se sont écoulées depuis, et le MPP a un bilan que nous pouvons évaluer : nous n’avons plus besoin de juger le livre par son apparence, parce que nous avons son contenu !
L’idéal de nous autres révolutionnaires, Sankara, n’a jamais été autant réhabiliter que pendant ces 5 dernières années, et nous ne parlons pas juste du mémorial, ni de l’université qui lui sont dédiés. Nous parlons aussi d’une politique de construction de l’identité nationale à travers le vestimentaire, mais aussi et surtout un ministère entier dédié à la valorisation de nos langues nationales. Nous parlons d’une politique pour le prolétariat, qui rend gratuits les soins pour les enfants et les femmes et qui créer une assurance médicale pour les indigents dans notre pays. Bref, nous parlons d’avancées concrètes dans l’éducation, la santé et l’agriculture, etc., que toute personne qui consulte le www.presimetre.bf peut apprécier. Nous parlons d’avancées dans la lutte contre la corruption où il nous a été donné de voir des ministres débarqués du gouvernement et mis aux arrêts. Nous avons vu une politique qui a résisté à la bourgeoisie des syndicats de la fonction publique, pour insister sur le partage du cadeau.
Autant le MPP utilise la révolution et les révolutionnaires à ses propres fins, autant les révolutionnaires utilisent-ils le MPP pour leurs propres desseins : une relation symbiotique sans doute.
La révolution des 30 et 31 Octobre 2014 est donc bien toujours en marche, et c’est pourquoi il n’y a pas eu de retour en force du CDP. Oui, le parti devient deuxième par le nombre de ses députés, mais il faut noter qu’il n’a gagné que 2 positions supplémentaires en comparaison à son score de 2015 : ce n’est pas cela qu’on appelle un retour en force. Les deux grands perdant de la révolution des 30 et 31 Octobre 2014 sont d’une part l’UPC : moins 21 sièges, en comparaison à l’issue des élections de 2015. Sans doute parce que justement, beaucoup de révolutionnaires se sont convaincus que le MPP faisait suffisamment leur politique, rendant ainsi l’UPC redondante, particulièrement lorsqu’elle se trouve dans l’opposition ! Le MCR a été jugé de même. Alors, Mr Diabré, ce n’est pas le peuple qui s’est trompé il y a 5 cinq ans, non, c’est plutôt vous qui n’avez pas voulu voir ce qui s’est passé pendant 5 ans !
L’autre grand perdant de la révolution des 30 et 31 Octobre 2014, ce n’est bien sûr nul autre que Yacouba Isaac Zida, qui s’est imposé aux révolutionnaires en 2014 comme leur porte-flambeau. Cinq ans plus tard, il y avait à cette élection 2,5 millions (1) de jeunes votants entre 25 et 34, qui avaient donc entre 20 et 29 ans il y a cinq ans ! La suite, nous la connaissions tous, même pas 0.02% de cette jeunesse prétendument acquise à sa cause : un révolutionnaire reconnaît un autre à la vue ; force, nous est faite de reconnaître que ce ne fût pas le cas ici. Mais en statistique, il n’y a pas d’interprétations absolues, c’est selon les tendances, les seules invariables étant les chiffres.
Cette relation symbiotique entre le MPP et les révolutionnaires de 2014 étonne d’abord. Mais à la réflexion, qui mieux que l’ex CDR Simon Compaoré et son compagnon Roch Kaboré pour porter haut le flambeau de la révolution ? Eux, qui, dans un passé pas si lointain ont directement travaillé avec le père de la révolution burkinabè, Thomas Sankara !
Koudraogo Ouedraogo
Blog : https://koudraogo.blog
PS: Ce blog a été écrit le 5 décembre 2020, mais je ne l’avais pas publié pour plusieurs raisons. D’abord, parce que l’élection n’était plus vraiment d’actualité, mais aussi parce que je souhaitais revenir sur certaines de mes conclusions pour mieux les analysés. L’annonce du nouveau gouvernement, découlant logiquement de l’élection me donne l’opportunité de partager avec vous ma réflexion.