Les notes de Koudraogo

Pour une meilleure année 2023 en 3 points

L’année 2022 restera sans doute dans la mémoire de beaucoup de burkinabè, la pire des années qu’ait connu notre pauvre pays depuis son indépendance. Au lieu de vous formuler des vœux pour l’année 2023, je vous propose plutôt ma solution en 3 points pour sortir le pays de son marasme actuel :

1/ Le retour des militaires dans leurs casernes

MPSR-1 ou MPSR-2, peu m’importe en réalité ; les militaires ne seront jamais à leur place à la tête de l’État, et aucune union sacrée des filles et des fils de ce pays ne sera possible tant qu’ils y seront. Une union de l’armée elle-même n’est pas possible, et vous savez ce que l’on dit des armées désunies ! Arrêtons donc le cirque !

Si les coups d’État ont été bons à une chose, c’est de nous avoir tous démontrer clairement que la faillite de notre armée n’était point imputable au président Roch, mais plutôt à l’armée elle-même, qui jusqu’à l’instant où j’écris ces lignes, est toujours dans le déni de sa propre situation ; et la détérioration de la situation depuis le départ de Roch le prouve, si le besoin en était.

Ce retour des militaires dans les casernes, doit s’accompagner de l’instauration d’une transition civile, dont le seul objectif sera de libérer le pays de la pègre terroriste. Que ce soit le MPSR1 de Damiba ou le MPSR de Traoré, chacun de ces régimes a prétexter de la situation sécuritaire pour usurper le pouvoir d’État ! Une fois au pouvoir, ils ont chacun perdu de vue la raison pour laquelle les burkinabè ont été tolérants de leur coup d’État pour vouloir s’attaquer pêle-mêle à de prétendus maux de notre société. Une dérive très dangereuse, que l’on peut résumer en la situation de l’aveugle qui veut en conduire un autre ! Le Burkina n’est autre que le pur produit de son armée qui accapare le pouvoir depuis 1966. Dans un tel contexte, que l’armée qui est elle-même, la plus corrompue, la moins patriotique veuillent se mettre au-devant de réformes est simplement d’un ridicule incommensurable ! Le CMRPN a reformé la Haute-Volta, puis, ce furent le CSP, puis le CNR, puis le Front populaire ! Que les militaires gardent leurs réformes, parce que les burkinabè n’en ont plus cure. Bref, nous aurons l’opportunité sans doute d’y revenir, mais pour l’instant, occupons-nous d’abord de sauver le pays. La crise que connaît le pays actuellement, a une et une seule source : l’insécurité ! C’est à cause d’elle que nous sommes en situation de régime d’exception. Il ne suffit pas de tordre le cou à la constitution, et d’aller prêter serment devant la cour constitutionnelle pour prétendre être président du Faso ! Il n’en est rien, si demain, un djihadiste se trouvait plus fort que le groupuscule de soldat qui maintient Traoré au pouvoir, il ferait de même, prêterait serment devant la cour, et toujours, je ne le rencontrais point comme président du Faso. Je refuse, moi Koudraogo, d’être membre d’un clan de gorilles qui désigne son chef par combat, ou le plus fort domine ! L’insécurité est la raison pour laquelle certains de nos compatriotes ont perdu leur humanité pour devenir très comparables à des gorilles, et c’est donc elle qui doit être le commencement, le déroulement et la fin de toute transition valable aux yeux des citoyens.

L’incertitude à la tête de l’État ne profite qu’aux djihadistes. Nous l’avons vu en janvier après le coup de Damiba, puis en septembre après celui de Traoré. À chaque fois, nos ennemis ont gagné du terrain pendant que nos troupes étaient en état de flottement. Aujourd’hui, ils ont la presque totalité du territoire si l’on en croit certaines sources. S’en prendre à l’ambassadeur de France ne changera aucune donne sur le terrain ! Ouagadougou est bel et bien encerclée, et les récentes pénuries d’essence dans la capitale devraient inquiéter le gouvernement quant à les sécurisations des axes routiers qui permettent l’approvisionnement du pays. Faut-il attendre jusqu’au prochain coup d’État et ainsi donner l’opportunité aux djihadistes de se saisir de tout le territoire, ou faut-il anticiper et restaurer la continuité de l’État telle que voulue par la constitution ? La question ne se pose même pas pour les vrais patriotes. Nul ne peut être assis sur un siège éjectable, et consacré toute son attention à la lutte antiterroriste. Au moins, c’est une situation qui se résout assez facilement.

2/ Reformer la défense de notre nation

La question de la défense de notre pays, est une question qui se pose depuis un certain temps. C’est un sujet que j’ai moi-même évoquer à plusieurs reprises. Déjà en 2016, (Koudraogo Ouedraogo, 2016) je concluais que la menace la plus pertinente vis-à-vis de nos États, était celle d’une insurrection, d’une guerre civile, et que nos armées conventionnelles n’étaient pas équipées pour gagner ce type de guerre : les cas du Mali et du Nigeria, étaient à mon avis, des cas d’école.  Aujourd’hui, la piètre performance de notre armée nationale face à l’insurrection djihadiste, vient renforcer cet argument !

Le Burkina, risque-t-il d’être attaqué par l’un de ses voisins ? Cela est plausible, mais reste presqu’impossible dans un contexte sous-régional marqué surtout par une intégration toujours plus avancée des pays de la CEDEAO.

Si le Burkina n’a pas de risque de se retrouver dans une guerre conventionnelle contre un autre pays, alors, il n’a pas besoin d’une armée conçue et entretenue uniquement dans ce but ! Le Burkina n’a pas besoin d’une armée lourdement armée de chars et de pièces d’artillerie et d’avion de chasse ! La menace contre le Burkina est d’un autre genre, et requiert une grande armée qui maintient la paix sur le terrain dans chacun des 8000 villages que compte ce pays. Parce que reconquérir le territoire, ce n’est pas chasser les djihadistes d’une localité. C’est aussi et surtout mettre des bottes sur le terrain pour empêcher tout retour de l’ennemi et permettre le retour des services de l’État. Tant que nous n’aurons pas compris cela, nous perdons notre temps.

Pour cela, il nous faut des soldats, et il nous en faut beaucoup : 125 000 à 250 000. Une armée légèrement équipée, parce que très mobile (Michael Shurkin, 2022) et en mesure de pourchasser l’ennemi jusque dans les terrains les plus hostiles aux moyens roulants conventionnels. Une armée hautement entraînée qui est en mesure de prendre le dessus 90 % du temps lorsqu’elle se retrouve en combat face à face avec l’ennemi. Une armée hautement motivée pour la cause de la nation. Une telle armée, on ne peut pas la payer ! Une telle armée ne peut pas venir de gens dont c’est le métier, de gens que nous payons pour effectuer un travail ! Une telle armée ne peut venir que de chacun de nous, citoyens, qui nous dévouons à la tache pour notre pays et non pour un salaire. L’armée doit être un service, et non un métier ; un service que tout jeune burkinabè, femme comme homme est appelé à rendre à la nation ! Si chaque citoyen en âge est appelé à rendre service à la nation, alors nous n’avons plus besoin de volontaires et d’autres groupes d’autodéfense. Et il y a environ 5 millions de citoyens entre 19 et 34 ans au Burkina, en âge de servir.

Les VDP et autres groupes d’autodéfense étaient peut-être une bonne idée il y a quelques années lorsque le MPP et Roch les avaient conçus et promus. Le contexte national à évoluer depuis, et VDP et autres groupes ne sont plus vraiment une solution, en fait, ils sont même devenus une partie entière du problème dans beaucoup de cas. Il faut comprendre que les solutions ne sont pas immuables dans le temps. Les choses évoluent, et l’on dit que l’histoire ne se répète jamais. Alors, vouloir faire du Roch, après 4 ans, ou du Sankara 30 ans après sa mort, révèle simplement d’une turpitude.

Je ne soulignerai jamais assez la nécessité de bâtir une armée républicaine et citoyenne, une armée au service du citoyen. Une armée par et pour le citoyen, car celle que nous avons aujourd’hui ne mérite simplement plus d’être. C’est une bande de voyous armés et non une armée. C’est pourquoi elle échoue devant l’ennemi. C’est du reste pourquoi Wagner n’a eu aucun impact dans la lutte antiterroriste au Mali. Les nombreuses exactions des mercenaires, accompagnés par les FAMa n’ont provoqué que de la rancœur au sein des populations victimes. Nous le savons tous, depuis la prise du pouvoir par les militaires, la situation s’est empiré. Pourquoi ? Parce que la lutte contre le terrorisme ne passe pas par les humiliations quotidiennes des populations (Rémi Carayol, 2023), cela ne fait que pousser les populations dans les bras des terroristes. Lorsque les FDS tuent autant de civils que les djihadistes, il n’est pas étonnant que les populations ne sachent plus à quels saints se vouer (Rémi Carayol, 2023).  Pour gagner contre le terrorisme, l’armée doit gagner les cœurs, les esprits et la confiance des populations (Michael Shurkin, 2022). Pourtant, tous les signes nous portent à croire que nous nous enfonçons comme les Maliens avant nous, dans une voie sans issue, avec une armée humiliée qui cherche à prendre sa revanche. Ce n’est pas ainsi que nous ramènerons la paix au Faso !

3/ Ouvrir un dialogue franc avec les communautés

Vous ne seriez pas étonné si je vous disais que le Burkina-Faso n’est pas le premier pays qui connaît une insurrection djihadiste. Avant le Burkina, en France, en Angleterre, en Belgique, etc., des jeunes femmes et hommes ont succombé aux charmes de la guerre sainte et on prit les armes contre leur propre pays.

Pour puiser dans mon expérience, le 7 juillet 2005, si je n’avais pris un congé ce jour-là, j’aurais bien pu être l’une des victimes de l’attentat sur la « circle line », entre Liverpool Street et Aldgate East à Londres. C’était mon itinéraire pour aller et venir du boulot.

Après le 7 juillet en Angleterre, une conservation que tout le monde savait difficile à tenir, s’est quand même tenue ! Une conversation avec la communauté musulmane ; avec les leaders de cette communauté.

Le Burkina, depuis le premier attentat islamique, est toujours dans le déni ! On répète à qui veut l’entendre qu’il ne s’agit pas d’un problème avec l’Islam. Pourtant, ceux qui meurtrissent les populations ne se réclament pas d’une autre religion ! On répète à qui veut l’entendre, qu’il ne s’agit pas d’un problème ethnique ! Pourtant, ceux qui meurtrissent les populations sont majoritairement Peulh ! Et bien sûr, les victimes de Yirgou, Tanwalbougou, Djibo, Nouna sont peulhs.

Bien sûr, des musulmans sont leurs victimes, mais cela n’empêche en rien que les auteurs eux aussi soit musulmans, dans leur entièreté. Bien sûr, des Peulhs sont leurs victimes, mais cela n’empêche en rien que les auteurs de ses actes odieux soient eux-aussi Peulh, dans une forte majorité !

Mais soyons clairs : tous les terroristes sont musulmans, et beaucoup d’entre eux soient peulhs ! Personne ne dira que tous les musulmans du Burkina sont des terroristes ! Que personne alors ne dise que tous les Peulhs le sont, puisque d’ailleurs, ils ne sont même pas la totalité des terroristes tandis que les musulmans le sont ! Quand je dis que nous avons un problème au sein de la communauté musulmane, je ne dis pas que la communauté musulmane est le problème ! Que l’on s’entende clairement ! La communauté musulmane a en son sein des brebis galeuses ; personne ne peut le nier. Nous avons donc un problème avec la communauté musulmane, ou si vous préférez, de la communauté musulmane émane un problème qui nous touche tous ! Voilà qui est dit. Que celui qui n’a pas compris relise, avant de me faire dire ce que je n’ai pas dit.

 Si nous sommes d’accord sur mon précédent propos, il devient alors évident que toute solution à notre problème passe par la communauté musulmane. En effet, c’est bien au sein de la communauté musulmane que naissent, grandissent et se radicalisent ces jeunes djihadistes. Ces jeunes ne se radicalisent pas en écoutant le prêche d’un pasteur ou d’un prêtre. Ils se radicalisent en écoutant le prêche d’iman, eux-mêmes radicalisés. Ces prêcheurs de la mort sont bien connus dans la communauté. Ce fut le cas en Angleterre en son temps, où des imans ont assisté, impuissants à la radicalisation de jeunes gens. C’est le cas aujourd’hui au Faso, où des imans assistent impuissants à cette même radicalisation, jusqu’à ce que les jeunes disparaissent pour rejoindre les bandes djihadistes. À ce moment, leur communauté et l’État auront manqué l’occasion de les sauver et cela est bien malheureux. Il est grand temps que les communautés et les forces de police établissent un dialogue franc et sincère qui permet d’arrêter la chaîne de radicalisation des jeunes, d’arrêter et de mettre en prison ses prêcheurs de la mort qui poussent les jeunes dans les bras des djihadistes. Au Mali voisin, on a vu des responsables religieux sortir pour réclamer l’instauration d’un État islamique ! Au Burkina, les réseaux sociaux foisonnent de vidéos de dignitaires islamiques, qui font sans honte aucune, l’apologie des mouvements salafistes. Ces chefs religieux devraient être mis en prison sans ménagement. La communauté musulmane doit rejeter sans ambages le djihadisme, et dénoncer les prêcheurs radicaux qui existent en son sein ! Elle doit aussi livrer aux services sociaux, les jeunes en phase de radicalisation pour que ceux-ci s’occupent de leur déradicalisation. Autrement, c’est en vain que nous luttons.

Il n’est de l’intérêt de personne de nier que la communauté Peulh a des griefs envers l’État ! Il faut nouer le dialogue et aller à l’écoute de cette communauté, qui a tort ou a raison ne trouve plus ou pas son compte dans la nation que nous essayons de bâtir (Le Monde Afrique, 2017). Le tout militaire ne suffit pas. Le programme d’urgence pour le Sahel doit être pleinement exécuté. Les populations et communautés bénéficiaires doivent y être associées afin de restaurer l’État aux yeux de ces communautés qui ne croient plus en lui. La décentralisation devrait être accélérée, pour justement permettre aux populations de résoudre localement leurs problèmes au lieu de tout attendre d’un État central.  Les jeunes Peulhs qui dynamitent écoles et dispensaires, seraient sans doute moins enclin à le faire s’ils étaient plus impliqués dans la création et dans la gestion de ceci, suivant des normes qui satisfassent les croyances et traditions des uns et les règlements et lois de l’État de droit.

La cohésion sociale ne peut exister que là où la vérité et la justice existent. Plus, nous refusons de nous parler franchement, plus nous refusons de reconnaître que notre communauté musulmane a un problème de radicalisation et plus nous mettons cette cohésion sociale en danger !

Koudraogo Ouedraogo

Blog : https://koudraogo.blog/

Références

Koudraogo Ouedraogo,  Réformes de l’armée : Et si nous supprimions l’armée ?

16 Septembre 2016, https://koudraogo.blog/2016/09/10/reformes-de-larmee-et-si-nous-supprimions-larmee/

Michael Shurkin, Strengthening Sahelian Counterinsurgency Strategy, 25 Juillet 2022, https://reliefweb.int/report/mali/africa-security-brief-no-41-strengthening-sahelian-counterinsurgency-strategy

Le Monde Afrique, Burkina Faso : confessions d’un ancien djihadiste, 10 décembre 2017, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/10/confessions-d-un-djihadiste-du-burkina-vu-ce-que-font-les-forces-de-securite-a-nos-parents-je-ne-regretterai-jamais-leur-mort_5227587_3212.html

Rémy Carayol, Le mirage sahélien : la France en guerre en Afrique, La Découverte, 2023

Burkina-Faso : Il faut supprimer l’armée pour sauver le pays.

Ce n’est point une nouvelle suggestion puisque déjà dans Koudraogo Ouedraogo (2016) j’appelais à la suppression de l’armée dans sa forme actuelle. Plusieurs raisons militent en faveur de cette conclusion :

1/ l’armée est le tendon d’Achille du Burkina. Elle est cette institution à laquelle le pays doit tout ce qu’il est, en bien comme en mal, mais plus en mal qu’en bien. En 62 ans d’indépendance, l’armée a confisqué le pouvoir pendant 48 ans. Dans ce contexte, dire que le Burkina-Faso est un produit de son armée est donc une lapalissade. Dans tous les domaines, le Burkina est le moins bien loti parmi ses voisins : développement économique, social, etc.  Nous connaissons le rang du Burkina dans le classement du PNUD chaque année. Et si vous doutiez encore, regardez simplement l’état actuel du pays. Ceux qui accusent le MPP, oublient que c’est sous le pouvoir de Blaise Compaoré que les terroristes ont infiltré le Burkina, converti des gens à leur cause, entraîné leurs militants avant de finalement procéder à la première attaque lorsque le pouvoir du MPP a refusé d’être complice dans cette affaire !

2/ au Burkina, l’armée est la pire des institutions. Multiples exemples à travers notre l’histoire illustrent cela si bien, en particulier le coup d’État du 24 janvier 2022. Après s’être fait correctement sermonnée par le président Roch, l’armée burkinabè n’a trouvé aucune autre réplique que de lui faire un coup d’État. L’armée du Burkina est si gonflée qu’elle se pense au-dessus des lois, au-dessus du peuple : elle fait des descentes musclées sur la police selon Faso7(2022), sur les civils (LeFaso.net, 2011), sur l’administration publique (LeFaso.net, 2011,(2)).

3/ pour les efforts que le contribuable burkinabè consent, force est de reconnaître que nous sommes payés en monnaie de singe. Le budget de l’armée s’élevait à 222 milliards de nos francs en 2020. Avons-nous été protégés par nos soldats dont la seule raison d’exister est justement de nous protéger, de maintenir l’intégrité de notre territoire ? Non ! Des milliers de burkinabè sont morts pendant qu’à quelques kilomètres plus loin, des soldats vautrés dans le confort de leur caserne dont le fonctionnement est aussi assuré par nos taxes, refusaient simplement de voler à leur secours. Pourquoi maintenir des employés qui refusent de faire leur travail ? Aucun employeur ne le ferait, et nous, peuple du Burkina devons, dès maintenant, refuser de le faire. Nous devons refuser cette arnaque organisée.

Je n’appelle pas à la suppression de l’armée pour laisser le Burkina sans défense. J’appelle plutôt à l’abolition de l’armée de métier pour les raisons suscitées pour la remplacer par une armée de volontaires. Plusieurs facteurs militent aussi en la création d’un nouveau type de défense nationale :

1/ dans le contexte actuel d’insurrection généralisée, il n’est pas possible de rétablir l’autorité de l’État sur le territoire national avec 16 000 hommes, ou même 33 000 comme au Mali. Avec si peu d’hommes, c’est à un jeu du chat et de la souris que l’armée et les GATs, se livrent.

2/ Il existe un potentiel immense d’hommes et de femmes que nous ne pourrons exploiter autrement. Pour preuve, cela fait des années que la loi sur les VDP a été votée, et pourtant, des villages entiers restent sans protection. En rendant obligatoire la conscription, si je me fie à la pyramide des âges du pays, nous avons entre 20 et 34 ans, 2 439 154 hommes et 2 389 276 femmes, soit un total de presque 5 millions de burkinabè, immédiatement mobilisable pour la défense de la nation ! Cela n’est possible qu’en passant d’une armée de métier comme nous en avons maintenant, à une armée de volontaires comme en Suisse, ou chaque citoyen est appelé à défendre la nation. Avec un si gros potentiel, une mobilisation ne serait-ce que de 5 % des 5 millions, nous donne une armée de 250 000 hommes et femmes pour sécuriser le pays.

3/ dans notre contexte, rien ne peut remplacer les bottes en nombre massif et en qualité sur le terrain. Ceux qui sont familiers avec la France, sont familiers avec la vue des soldats lourdement armés dans les villes qui font la ronde, prêts à intervenir. C’est ainsi que l’on se défend dans un contexte de guerre asymétrique. Ceci n’est bien sûr possible qu’avec une armée républicaine, une armée aux côtés du peuple, pour le servir et non se servir, et cette armée, nous ne l’avons pas encore au Faso, c’est pourquoi nous devons la crée. Dans une guerre asymétrique comme celle à laquelle nous faisons face, les gros moyens militaires ont une utilité très limitée. Ceux qui en réclament ne comprennent simplement rien de la nature du conflit. Si un jet comme un Mirage 2000 permet de se rendre très rapidement sur les lieux pour confirmer l’existence d’une menace, il lui est impossible le plus souvent d’attaquer par exemple pour diverses raisons objectives. Les moyens de transport militaires les plus rapides mettent les troupes toujours à au moins 1 heure, ce qui représente dans notre contexte une éternité.

Conclusion

Six ans après mon article initial sur la question, je pense toujours que le contribuable burkinabè est payé en monnaie de singe pour les sacrifices qu’il consent à l’égard de l’armée. Si la déconfiture de notre armée devant les GAT ne vous avait pas encore convaincu, certainement le putsch du 24 janvier vous aurait convaincu : l’indiscipline des armées Ouest africaines est telle qu’il n’y a aucun salut possible. L’armée en Afrique de l’Ouest ne sera jamais républicaine. Ce n’est pas que nous en sommes incapable, c’est tout simplement que nous sommes trop pauvres. Nous sommes si pauvres que souvent, le moyen le plus sûr de sortir de cette pauvreté, c’est simplement d’accaparer le pouvoir ; la chose même qui nous maintient dans cet état de pauvreté permanente. C’est un cercle vicieux qu’il convient de rompre ; alors, pour l’enrichissement de la vie démocratique, pour le développement de nos pauvres pays, je milite encore et toujours pour la suppression de l’armée de métier, et pour son remplacement par une armée de volontaires comme en Suisse et dans d’autres pays. C’est d’ailleurs la forme d’armée la mieux adaptée aux types de menaces que connaissent nos pays, en l’occurrence celle islamiste. En Europe, ils ont des armées régulières parce que des guerres comme celle d’Ukraine arrivent encore. Quelle était la dernière fois qu’un pays d’Afrique a envahi un autre ? (la situation RDC/Rwanda est très loin d’un envahissement).

Koudraogo Ouedraogo

Blog : https://koudraogo.blog/

References

Koudraogo Ouedraogo,  Réformes de l’armée : Et si nous supprimions l’armée ?

16 Septembre 2016, https://koudraogo.blog/2016/09/10/reformes-de-larmee-et-si-nous-supprimions-larmee/

Faso7, Burkina Faso : Des policiers municipaux blessés par des militaires à Kaya, 14/06/2022, https://faso7.com/2022/06/14/burkina-faso-des-policiers-municipaux-blesses-par-des-militaires-a-kaya-temoin/

LeFaso.net, Des militaires de Fada avaient prévu une descente sur Ouagadougou, 30/03/2011,https://lefaso.net/spip.php?article41345

LeFaso.net, MANIFESTATIONS DE MILITAIRES A FADA : Une roquette tirée sur le Palais de justice, 30/03/2011, https://lefaso.net/spip.php?article41349

Les vraies raisons de la prise du pouvoir par le MPSR (1/3)

Je vous propose une petite analyse des raisons évoquées par la junte au pouvoir à Ouagadougou, pour justifier son coup de force :

La dégradation de la situation sécuritaire
Pourtant, ce n’est pas par faute de n’avoir pas essayé. Roch à son élection en 2015 a hérité d’une armée divisée. Une armée où, les hauts gradés qui avaient supporté le putsch de Gilbert Diendéré, n’ont pas digéré la fin de non-recevoir que leurs cadets leur avaient opposé à cette occasion, en s’opposant au putsch. C’est donc d’une armée dont le commandement était toujours acquis à Blaise (ou du moins à leurs intérêts personnels) que le MPP hérite. Le pouvoir qui n’a aucune confiance à ces anciens, essaye en vain d’inciter ceci au départ volontaire à la retraite, afin de pouvoir les remplacer avec la génération des « boys » qui paraissaient plus dynamique et patriotique. Néanmoins, sous Roch, le budget de l’armée est passé de 93 milliards en 2016 à 222 milliards en 2020, le recrutement de 3 000 hommes supplémentaires est promis, les VDP sont adoptés par loi en 2018 pour venir en renfort à l’armée. 

Devant le refus des anciens de céder leur place, Roch allait multiplier les contacts directs avec les jeunes, chose que n’apprécieront pas les anciens. Inata, allait donner une opportunité au pouvoir de faire des remaniements, d’écarter justement les hauts gradés pour faire monter les jeunes. Ainsi, donc, Sandoago Damiba se retrouva commandant du 3e RIC, il y a à peine un mois. Pendant ce mois, il a, selon certaines sources au moins à deux reprises proposé la solution russe (Wagner) au président du Faso, qui l’a refusé : le Burkina, depuis 1960, est l’un des rares pays qui n’autorise aucune armée sur son territoire. Vous remarquerez, que même les forces françaises aujourd’hui stationnée au Burkina-Faso, n’effectuent que quelques petites interventions en territoire burkinabè, et cela, en conformité avec les accords de coopération qui ont permis leur installation au BF. Dans un tel contexte, installer un contingent de mercenaires russes au BF, l’un des rares pays d’Afrique, qui, avec la Guinée furent les seuls à demander le départ de l’armée française de leur territoire en 1960, relève non seulement d’un casse-tête national, mais aussi et surtout occidentale, européen en particulier, si ce qui se passe au Mali peut nous servir de leçon.
Inata a bien démontré comme l’a si bien dit Roch lui-même, les graves dysfonctionnements au sein de l’armée : le sabotage par quelques hauts gradés des efforts du gouvernement. C’est à ce moment aussi que la troupe fût entièrement démotivée, convaincue que les autorités ne donnaient aucune valeur à leur vie. Pour couronner le tout, les petits détachements militaires crées ci et là d’une part sous la pression des hommes politiques (chacun cherchant à couvrir son village) et d’autre part dans le but d’occuper le territoire, devinrent des cibles bien trop faciles pour l’ennemi. Les pertes en vie humaine au niveau des troupes se multiplièrent.

Finalement, les remaniements Roch effectués après Inata, étaient trop peu et trop tard ; e ver était déjà dans le fruit. Wagner, a-t-elle financé le coup ? La question à 1 million. La vitesse avec laquelle on a vu des manifestants avec le drapeau russe à Ouaga m’étonne bien ! Pour y avoir cherché presqu’en vain une simple crème glissée pour mon fils, je m’étonne que le drapeau russe y soit plus disponible !


Roch a été déchu de ses fonctions, mais les saboteurs sont toujours là, dans l’armée ; les « boys », auront-ils plus de succès ? Comment mettront-ils à l’écart ceux-là même, dont les retenues ont causé Inata et coûté la vie à de multiples soldats ? En tout cas, Wagner n’est pas une solution. Sa seule référence est la République Centre-Africaine, dont la situation n’a rien de commun avec celle du Burkina. 

À mon frère qui soutient le putsch !

Tout le monde en Afrique, veut une démocratie parfaite, mais personne ne semble vouloir y mettre le travail qu’il faut. L’école de la démocratie, c’est l’échec. L’échec au Burkina, est celle de tout un peuple ! Échec d’un peuple, bétail électoral qui a élu un incompétent, échec d’une opposition sans vision qui n’a pas su utiliser les leviers de pression nécessaire pour forcer le changement dans la gestion, échec du pouvoir qui n’a pas su se mettre à l’écoute des aspirations du peuple, échec de l’armée qui a été incompétente à assurer la sécurité des citoyens. Dans cet échec général, malhonnête êtes vous si vous voulez en faire porter le chapeau à un seul homme ! Combien de temps pensez-vous que la junte peut-elle rester au pouvoir ? Donnez-lui 5, 6, 20 ans si vous voulez ! Elle s’en ira un jour, laissant le pouvoir à une classe politique qui n’aura pas appris à être en phase avec les aspirations du peuple, une opposition qui n’aura pas appris à utiliser les leviers de pression qu’il faut pour jouer son rôle de contrebalance, un peuple toujours bétail électoral qui votera pour le premier aventurier qui peut lui organiser de grande djandjoba. Le reste de l’histoire, vous la connaissez ! Elle se déroule actuellement au Burkina, au Mali, en Guinée : un éternel recommencement.

Alors mon frère, je souffre, peut être même plus encore que vous, quand je pense à ce que Kaboré, ou IBK, ou Condé ont fait. Je souffre quand j’apprends que des soldats dormaient tranquillement à 12 km du lieu de massacre de 150 de mes concitoyens. Je souffre, quand je pense qu’aucune enquêtes parlementaire n’a été obtenue ni par l’opposition, ni par la majorité, pas même la publication des rapports remis au chef de l’État ! Je souffre, mais toujours, je ne souhaite pas et n’en veux pas d’un putsch ! Je n’en veux pas, parce que ce n’est pas la solution : nous devons tous apprendre, apprendre à lutter, apprendre à gérer, apprendre à voter. Ceux qui sont au pouvoir doivent apprendre à écouter le peuple, le coup leur en retire l’opportunité, les opposants doivent apprendre à jouer leur rôle de contrebalance, à forcer le pouvoir de changer de route quand cela est nécessaire, le coup leur en retire l’opportunité, les militaires doivent apprendre à respecter la république et rester apolitique, s’en tenir à leur mission, le coup en est l’antithèse, et nous le peuple, devrions, après avoir subi les conséquences de notre mauvais choix, savoir en tirer leçon ; le coup nous sauve des conséquences (En prêtant malgré tout de bonnes intentions aux putschistes ; mais à vrai dire, la raison du plus fort  .. ) de notre choix, donc, certes, nous recommencerons !

Alors, mon frère, nous ne sommes pas sortis de l’auberge ! Au contraire !

Cordialement,

Koudraogo

«En attendant Zorro, chacun s’occupe de ses affaires.», Norbert Zongo


Beaucoup de burkinabè refusent de s’engager dans la lutte parce qu’ils espèrent un autre changement que par la lutte démocratique. Pour appeler un chat un chat, il faut se dire que habitude ou par lassitude, beaucoup de Burkinabè espèrent la « délivrance » par le putsch. Parce qu’ils en ont l’habitude. Quand ils disent : « ça ne peut pas continuer… », tout en restant calés dans leurs fauteuil, c’est qu’ils espèrent que quelqu’un d’autre fasse le travail à leur place. Et qui peut être ce sauveur de l’ombre ? L’Armée. Ils sont nombreux donc à espérer le putsch. La plupart de tous ceux qui refusent de lutter démocratiquement espèrent se réveiller un matin au son d’une fanfare. Inutile de leur expliquer que la solution n’est pas à ce niveau, qu’il faut changer la manière faire, de penser, de voir et de concevoir les réalités politiques. Il est vrai que quand rien ne va, la facilité est de crier « Armée au pouvoir ». Depuis 1966, ce slogan a toujours fait recettes : « L’armée au pouvoir ». Même quand elle y est déjà, comme c’est le cas à l’heure actuelle. 


Il est grand temps de voir les choses autrement, de comprendre qu’en dehors de l’Armée, nous pouvons faire changer les choses du meilleur côté par notre détermination à nous battre pour un monde meilleur. Nous pouvons obliger ce régime à reculer quelle que soit la décision qu’il prendra. Tout dépend de notre volonté à nous battre pour arracher plus de liberté. Nous l’avons vu avec la dernière grève du SYNTSHA. Cessons de nous trouver de fausses excuses du genre : « Ce régime-là tue ! »


Mais ayons conscience que c’est quand il y a une ou deux personnes à tuer qu’il tue.Aujourd’hui, si ce régime fait une centaine de morts dans la rue de Ouagadougou parce qu’il a pris l’habitude de traquer ses opposants à la grenade en pleine rue, il se fera plus du mal que de bien. Il en est conscient.


Seulement quand les citoyens, au lieu de lutter démocratiquement aliènent tout leur sort entre les mains de deux ou trois leaders syndicaux, quand chacun se terre dans sa cuisine ou hante les débits de boisson avec ce salamalec : « ça ne va pas ! » le pouvoir peut frapper à satiété ceux qui pointent leur tête.Après les vaines prières : « Dieu va changer les choses ! », chacun rumine ses peines en songeant au brave caporal-libérateur, Zorro des rêves putschistes qui meublent les nuits d’hommes et femmes qui refusent de se battre.


Des hommes et des femmes qui se libèrent par procuration. Alors on attend toujours le Zorro qui tarde à venir. Et pendant ce temps on collabore avec le régime ou on joue à l’opposition, un vilain jeu où tout le risque est de ne rien risquer. On sort le bout du nez un tract timide ou une déclaration lapidaire dans les journaux et on se prélasse dans son salon. Eurêka on lutte ! On dénonce le régime, on énumère le long chapelet de maux inhérents à l’exercice de son pouvoir mais on refuse de l’affronter sur le terrain réel. En attendant Zorro, chacun s’occupe de ses affaires. 

Norbert ZONGO, L’Indépendant n 253 du 7 juillet 1998

Transition au Burkina Faso: Appel à contributions

I. Quelles seraient les grandes missions à assigner à la Transition?

– continuer le déroulement du PNDES,

– continuer la lutte contre le terrorisme,

– rédiger et faire adopter une nouvelle constitution

– organiser les élections

II. Quels seraient les organes essentiels de la Transition ?

Pour les missions assignées, la transition a besoin juste de l’exécutif ; donc d’un gouvernement restreint (une dizaine de membres au plus).

Pas besoin de pouvoir législatif, car nous proposons de consulter le peuple par voie référendaire pour l’adoption de la nouvelle constitution.

Tout le reste de l’action de la transition doit pouvoir se faire sur la base de loi et régulations existantes tout en s’appuyant sur l’administration.

III. Quels seraient les axes de reformes prioritaires pour le pays?

  • Passer à un system démocratique parlementaire de type Westminster. Le burkinabè veulent être inclus dans la gestion quotidienne de leur pays. Le system parlementaire permet de réaliser cela. Aussi, en dépolitisant la fonction du Président du Faso, cela permettrait une meilleure réconciliation et union des filles et des fils du pays.
  • Formaliser le nombre, le fonctionnement et le financement des partis politiques. L’État crée et reconnaît 3 partis : Gauche, Droite, et Centre. (leur trouver des noms appropriés en langues nationales). Chaque citoyen en âge de voter doit s’inscrire dans l’un des 3 partis. Les partis sont financés par l’État qui définit et contrôle leur fonctionnement.
  • Fixer la représentativité du parlement (autour 3 députés pour 100 000 ; soit 630 pour 21 millions), lier les rémunérations au Revenu National Brut (RNB) (autour de 1~2 fois celui des hauts fonctionnaires de l’État ; soit 450 à 600 milles aujourd’hui). Définir les conditions et mode de rappel d’un parlementaire par les électeurs.
  • Revoir le mode de suffrage, car le suffrage universel a démontré ses limites. À défaut de pouvoir trouver une forme de suffrage mieux adapté (il existe des propositions en la matière qui méritent un examen approfondi.), les sièges à l’assemblée pourraient être équitablement divisés entre les différentes franges de la population. Exemple : Les sages (> 60 ans), les jeunes (< 25 ans ), les classiques (BAC ou plus et > 25 ans ), les métiers ( tous ceux qui ne sont d’aucunes des 3 précédentes catégories).
  • Consacrer la suppression de l’armée de métier et l’institution de la conscription comme en Suisse. Voir le modèle d’organisation suisse à cet effet. C’est une transition qui se fera sur environ une génération (25/30 ans environ), mais qui commencera dès maintenant. La justification est simple. Les armées africaines telles que conçues ne sont pas adaptés aux menaces que nous connaissons en ce moment. Par exemple, dans le contexte du terrorisme, pour assurer une sécurisation totale du territoire, il nous faudrait au moins 10 fois encore plus de soldats que nous en avons. Inutile de dire que nous n’en avons pas les moyens, cependant en donnant à chaque citoyen actif les moyens de défendre la nation, le problème est résolu.  

IV. Quelle proposition de chronogramme faites vous pour une Transition réussie?

  • Mois 9 : sécurisation acceptable du territoire national
  • Mois 10 : referendum/adoption sur la nouvelle constitution
  • Mois 11 : élection présidentielle et législative couplée
  • Mois 12 : mise en place des institutions et fin de la transition

V. Quelles seraient les valeurs à promouvoir au Burkina Faso?

La patrie ou la mort, nous vaincrons !

Vive le Faso !

1966, 1980, 1982, 1983, 1987, 2015, 2022 !

En 60 ans d’Indépendance, notre pauvre pays n’a connu que deux présidents qui sont arrivés au pouvoir par la voix des urnes : Maurice Yaméogo et Roch Kaboré. Cela fait à peine 14 années de gouvernance civile ! Le reste du temps, un militaire s’était accroché au pouvoir sous quelques prétextes !

Hormis une quinzaine d’années, le Burkina-Faso est un produit pur de son armée, et le bilan n’est pas reluisant ! :  pays le plus pauvre de la sous-région, avec l’un des plus faibles taux d’alphabétisation, de couverture sanitaire, un fort taux de mortalité infantile, de chômage et j’en passe. Un pays en proie à la famine et à la maladie ! Bref, en comparaison à la Côte d’Ivoire voisine où les militaires n’ont effectué qu’un bref passage au pouvoir, le Faso est loin, très loin même ! En somme, les seules fiertés dont pouvaient se prévaloir les burkinabè, étaient d’une part Thomas Sankara (certes, produit de notre armée) et d’autre part notre culture démocratique arrachée au prix de notre sang lors de la révolution de 2014. Dans ce contexte donc, ce qui vient de se passer une fois encore aujourd’hui en sol burkinabè est une HONTE ! Une grande HONTE, que nous tous, ici et maintenant, nous refusons de supporter !

Les militaires se trompent de cible, ils se trompent de mission, ils se trompent de terrain. Leur cible, leur mission, leur terrain est la lutte contre le terrorisme dont le pays est en proie depuis des années. Nous leur avons donné tout ce que nous pouvions pour cette mission. Nous avons même, à travers les VDP fait leur travail à la leur place ! Que nous veulent-ils alors donc ? Pendant que nous consentissions tous à l’effort de guerre pour les soutenir, il était évident qu’eux ne se souciaient point de notre bien-être : on pouvait bien les voir, sur les barrages routiers, être plus préoccupé à nous arnaquer qu’à combattre les terroristes ! Tout prétexte était (est toujours) bon pour vous soutirer quelques billets ! Grâce à eux, nous sommes dans l’état piteux où nous sommes, à cause de tant d’années de gouvernance militaire. N’oublions pas non plus, que c’est la même armée (une de ses branches si vous voulez) qui s’était acoquinée avec les terroristes que nous combattons aujourd’hui. C’est dire que l’armée n’a aucune solution contre le terrorisme ! Elle n’en avait pas lorsqu’elle n’avait que la lutte contre le terrorisme à s’en soucier, elle n’en aura pas lorsqu’elle aura en plus, tous les autres problèmes de la nation à résoudre !

Une fois encore, pour la nième fois, nous sommes tous interpellés, à sortir défendre, notre pays, défendre la chose publique, défendre le Faso. Comme un seul être, femmes et hommes politiques, citoyennes et citoyens nous devons une fois encore faire échec à cette forfaiture !  Certes, nous ne partageons pas les mêmes vues politiques, mais aujourd’hui, nous avons tous le même devoir de défendre le Faso, la République que vient de dissoudre une bande de putschistes.

Alors, non, non, et non, MPSR dégage !

Koudraogo Ouedraogo

Blog : https://koudraogo.blog

Présidentielle 2020 : mes observations en fin de parcours

1/ Un scrutin libre et sincère

C’est l’avis de tous les observateurs : le scrutin a été libre et sincère ! Oui, il y a eu des irrégularités, des insuffisances, mais, pas de nature à faire douter de la sincérité du scrutin, qui je pense, nous donne la preuve, si l’on en voulait une, qu’il était non seulement impératif mais aussi nécessaire de protéger le secret du vote en interdisant les appareils de photographie dans les isoloirs. Il est déplorable que certains bureaux n’aient pas fait respecter la loi, mais pour une première fois, le bilan est globalement satisfaisant. Petit à petit, si ce n’est déjà fait, les partis comprendront qu’il ne sert plus à grand-chose de se montrer pendant la campagne électorale pour réaliser des formations en maraîchage ou distribuer gratuitement des cyclomoteurs et de l’essence. De telles pratiques, ne garantissent plus en rien le vote de l’électeur. Il faudra trouver d’autre façon de faire passer son message.

Notons aussi au passage, le fait étrange qui consiste à mettre les insuffisances de la CENI sur le dos du pouvoir, ou même de prétendre qu’elle se trouve biaisée en faveur du pouvoir. Ceci est bien étrange puisque justement, toutes les parties, pouvoir, opposition et société civile sont représentées à part égale par 5 commissaires. La seule raison d’être de la CENI, c’est justement d’éviter que le pouvoir de l’heure organise les élections. Si la structure n’est pas adéquate pour garantir sa mission première, alors reformons-la, ou débarrassons-nous-en. En tout état de cause, il n’est pas logique que les 3 groupes de commissaires organisent les élections et qu’ensuite l’un des groupes se mette à accuser les autres, surtout sans apporter des preuves. Il faut faire très attention à ce genre de comportements irresponsables qui pourraient dégénérer très rapidement.

2/ Opposition ne signifie pas toujours critiquer.

S’opposer, c’est être d’un avis contraire certes, mais en politique, le but d’une opposition n’est pas de toujours prendre le contre-pied ! Une opposition responsable doit savoir renforcer et soutenir le parti au pouvoir lorsque cela est nécessaire. Sur la question de la sécurité, il nous a été donné de voir une opposition sans propositions concrètes et sérieuses, mais qui s’opposait quand même, parce que lorsque leurs propositions ne nous relataient pas ce qui avait été déjà fait sur le terrain (renforcement des capacités de l’armée et du renseignement), elles tournaient alors au ridicule (négociation avec les terroristes). Connaissez-vous un seul pays qui négocie avec des terroristes ? N’allez surtout pas me dire les États Unies d’Amérique, parce qu’ils ne le font pas sur leur territoire. Oui, ils négocient en Afghanistan, mais jamais aux USA. En Algérie, ce n’est la négociation qui est venue à bout de l’AIS et des GIA, mais plutôt la résistance populaire, un succès que le Faso essaie de répliquer à travers ses Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Il faut noter que cela a pris 10 ans en Algérie. Sur le plan de la lutte contre la radicalisation des jeunes, le plan d’urgence pour le Sahel a été élaboré est en cours d’application. Que peut-on faire encore à part souhaiter que nos FDS et nos services de renseignements soient plus efficaces sur le terrain ? Or sur ce plan même, nous avons l’appui de la France. Les djihadistes nous attaquent parce que disent-ils, nous avons changé de régime et ils n’aiment pas notre nouvelle politique ; eh bien, la réélection de Roch Kaboré est bel et bien un message du peuple burkinabè à ces djihadistes : « C’est bien nous, peuple du Burkina qui élisons nos responsables, et aucun djihadiste ne nous fera changer d’avis ! »

L’autre grand thème de cette campagne était celui de la corruption. Comme disait Zéphirin Diabré lui-même, « si tu fais gnūk, on fait gnõk !» (Si tu puises, on t’attrape). Mais n’est-ce pas justement parce que l’on fait « gnõk » que nous parlons tous de ceux qui ont fait « gnūk» ? La lutte implacable contre la corruption ne signifiera jamais que personne n’essayera de faire « gnūk». Par contre, elle signifie que nous ferons toujours « gnõk » si y a « gnūk» ! Si cela n’est point le cas déjà, Mr Diabré serait bien inspiré de porter à l’A.N le projet de loi pour renforcer la lutte contre la corruption, et la majorité actuelle serait mal inspiré de ne pas la voter ! Le déroulement, même en partie du PNDES a pris de court plus d’une personne, moi inclus. Il n’est demeure pas moins qu’il existait beaucoup de thèmes sur lesquelles l’opposition aurait pu contre-attaquer : la réduction de notre dépendance des bailleurs de fonds après le fiasco du financement du PNDES, le passage à l’ECO et le rôle néfaste que joue la parité fixe sur l’exportation, le contrôle de l’inflation par la BECEAO et son rôle néfaste sur le financement de l’économie, etc.

3/ La révolution des 30/31 octobre 2014 se porte à merveille

Contrairement à ceux qui lisent dans la réélection de Roch une certaine mort de la révolution du 30/31 octobre 2014, personnellement, j’y vois plutôt un succès de cette révolution. Je n’aurais jamais dit la même chose au sortir des élections de 2015 ! À cette époque, il y avait bien trop de suspicions autour du MPP pour nous permettre de penser une seule seconde qu’il porterait le flambeau de notre révolution. Mais, voilà, cinq années se sont écoulées depuis, et le MPP a un bilan que nous pouvons évaluer : nous n’avons plus besoin de juger le livre par son apparence, parce que nous avons son contenu !

L’idéal de nous autres révolutionnaires, Sankara, n’a jamais été autant réhabiliter que pendant ces 5 dernières années, et nous ne parlons pas juste du mémorial, ni de l’université qui lui sont dédiés. Nous parlons aussi d’une politique de construction de l’identité nationale à travers le vestimentaire, mais aussi et surtout un ministère entier dédié à la valorisation de nos langues nationales. Nous parlons d’une politique pour le prolétariat, qui rend gratuits les soins pour les enfants et les femmes et qui créer une assurance médicale pour les indigents dans notre pays. Bref, nous parlons d’avancées concrètes dans l’éducation, la santé et l’agriculture, etc., que toute personne qui consulte le www.presimetre.bf peut apprécier. Nous parlons d’avancées dans la lutte contre la corruption où il nous a été donné de voir des ministres débarqués du gouvernement et mis aux arrêts. Nous avons vu une politique qui a résisté à la bourgeoisie des syndicats de la fonction publique, pour insister sur le partage du cadeau.

Autant le MPP utilise la révolution et les révolutionnaires à ses propres fins, autant les révolutionnaires utilisent-ils le MPP pour leurs propres desseins : une relation symbiotique sans doute.

La révolution des 30 et 31 Octobre 2014 est donc bien toujours en marche, et c’est pourquoi il n’y a pas eu de retour en force du CDP. Oui, le parti devient deuxième par le nombre de ses députés, mais il faut noter qu’il n’a gagné que 2 positions supplémentaires en comparaison à son score de 2015 : ce n’est pas cela qu’on appelle un retour en force. Les deux grands perdant de la révolution des 30 et 31 Octobre 2014 sont d’une part l’UPC : moins 21 sièges, en comparaison à l’issue des élections de 2015. Sans doute parce que justement, beaucoup de révolutionnaires se sont convaincus que le MPP faisait suffisamment leur politique, rendant ainsi l’UPC redondante, particulièrement lorsqu’elle se trouve dans l’opposition ! Le MCR a été jugé de même. Alors, Mr Diabré, ce n’est pas le peuple qui s’est trompé il y a 5 cinq ans, non, c’est plutôt vous qui n’avez pas voulu voir ce qui s’est passé pendant 5 ans !

L’autre grand perdant de la révolution des 30 et 31 Octobre 2014, ce n’est bien sûr nul autre que Yacouba Isaac Zida, qui s’est imposé aux révolutionnaires en 2014 comme leur porte-flambeau. Cinq ans plus tard, il y avait à cette élection 2,5 millions (1) de jeunes votants entre 25 et 34, qui avaient donc entre 20 et 29 ans il y a cinq ans ! La suite, nous la connaissions tous, même pas 0.02% de cette jeunesse prétendument acquise à sa cause : un révolutionnaire reconnaît un autre à la vue ; force, nous est faite de reconnaître que ce ne fût pas le cas ici. Mais en statistique, il n’y a pas d’interprétations absolues, c’est selon les tendances, les seules invariables étant les chiffres.  

Cette relation symbiotique entre le MPP et les révolutionnaires de 2014 étonne d’abord. Mais à la réflexion, qui mieux que l’ex CDR Simon Compaoré et son compagnon Roch Kaboré pour porter haut le flambeau de la révolution ? Eux, qui, dans un passé pas si lointain ont directement travaillé avec le père de la révolution burkinabè, Thomas Sankara !

Koudraogo Ouedraogo

Blog : https://koudraogo.blog

PS: Ce blog a été écrit le 5 décembre 2020, mais je ne l’avais pas publié pour plusieurs raisons. D’abord, parce que l’élection n’était plus vraiment d’actualité, mais aussi parce que je souhaitais revenir sur certaines de mes conclusions pour mieux les analysés. L’annonce du nouveau gouvernement, découlant logiquement de l’élection me donne l’opportunité de partager avec vous ma réflexion.

Joyeuses Kwanzaa !

C’est la saison des fêtes ! Ayant toujours prôné la revalorisation de nos langues et de notre culture, faisons un tour d’horizon rapide sur les différentes célébrations avant de nous attarder sur le/la Kwanzaa :

Diwali

C’est le festival de la lumière chez les hindouistes, les sikhs et les jains. Il se célèbre pendant 5 jours en novembre, et symbolise la victoire de la lumière sur les ténèbres, du bien sur le mal, du savoir sur l’ignorance.

Noël

Une tradition chrétienne qui célèbre la naissance de Jésus-Christ. Noël, aujourd’hui, est une occasion de retrouvailles en famille, pour s’échanger des cadeaux, partager un repas ou même aller à la plage comme cela se fait en Australie, puisque c’est l’été dans l’hémisphère sud. Noël intervient le 7 janvier chez les chrétiens orthodoxes ou le 25 décembre chez les autres.

Hannouka

Une tradition juive, qui, pendant 8 jours commémore la dédicace du Second Temple à Jérusalem après la révolte des Maccabées. C’est le festival de la lumière. Hannouka est célébré le 25 du mois de kislev selon le calendrier hébraïque (10 décembre en 2020).

Ōmisoka

C’est l’une des plus grandes fêtes du Japon, célébrée le 31 décembre, c’est une occasion pour les familles de se rassembler pour conjurer la bonne fortune sur la famille en mangeant un bol de longues nouilles (toshikoshi-udon) au moment précis du passage d’une année à l’autre.

Kwanzaa

Au regard de toutes ses fêtes de fin d’année, pour pourrait bien se demander où se trouve l’apport de l’Afrique à cette civilisation de l’universel ? En fait, en Afrique, beaucoup de célébrations marquent la fin de l’année et le passage à une nouvelle année. Mais en Afrique, la religion reste une affaire personnelle, une affaire de clan ou de famille. Il est donc difficile de parler de célébrations à l’échelle nationale. Par exemple, pour moi qui ai grandi en pays Dagara, Birifor et lobi, je me rappelle fort bien les célébrations du bor (bour) chez les Dagara et les Birifor. Les Mosse aussi ont le boaré, qui n’est pas dissimilaire du bor dans le Sud-ouest du Burkina-Faso. Dans ma recherche pour ce blog, c’est en vain que j’ai essayé de trouver des écrits sur ces célébrations dans notre pays ! Je lance donc un appel à tous les lecteurs, de décrire en réponse toute célébration de fin d’année qu’ils connaissent, en nous en donnant le sens, les rites, us et coutumes et le calendrier.

La Kwanzaa, est justement née pour combler ce besoin culturel. Inventée en 1966 par le Dr. Maulana Karenga (1), la Kwanzaa se veut une fusion des différentes fêtes des récoltes que l’on peut observer à travers l’Afrique. La Kwanzaa est célébrée du 26 décembre au 1er janvier, et s’articule sur 7 principes cardinaux en Afrique : l’unité, l’autodétermination, la communauté, l’entraide économique, le sens, la créativité et la foi.

La Kwanzaa a beaucoup de sens pour un Africain Américain qui essaye de retrouver une certaine culture africaine. Pour un burkinabè, qui a encore un accès direct à sa culture, elle fait beaucoup moins de sens, sauf si l’on considère que cette culture n’est pas célébrée, et se perd peu à peu au profit de Noël, de la Saint-Sylvestre et du 1er Janvier ! Nous venons de commémorer le 11 décembre, existe-t-il une meilleure démonstration de notre indépendance que de célébrer notre culture ce jour-là par exemple ?

En attendant donc de pouvoir vous souhaiter à tous, Joyeux Bor (Bour) un certain 11 décembre, je vous souhaite à tous une Joyeuse Kwanzaa , car , selon Maulana Karenga, « ceci est notre devoir : connaître notre passé et l’honorer, nous attaquer à notre présent et l’améliorer, et imaginer tout un nouveau futur et le forger de la façon la plus éthique, effective et expansive ».

Koudraogo Ouedraogo

Blog : https://koudraogo.blog

Interdiction des téléphones dans l’isoloir : enfin vers une élection vraiment libre et transparente !

La nouvelle de l’interdiction des téléphones mobiles dans les isoloirs (1) est passée presque inaperçue. Pourtant, il s’agit là, d’un des plus grands développements sen ce qui concerne la lutte pour des élections libres et transparentes dans notre pays. En effet, dès 2017, je faisais l’analyse suivante : « La priorité au Faso, ce n’est pas une nouvelle constitution, c’est plutôt un renforcement de la loi électorale. Il faut en extirper toute échappatoire qui entretient, favorise et maintient la triche. En particulier, tout appareil de copie, photocopie, photographie et de téléphonie doit purement et simplement être interdit d’accès au bureau de vote, pour assurer le secret du vote » (2).

Oui, nous savions tous que plus personne ne bourrait les urnes au Burkina-Faso. Mais cela suffisait-il pour garantir une élection libre et transparente ? Il n’y a nul doute que l’élection de 2015 a été l’une des plus transparentes dans notre pays. Mais a-t-elle été aussi libre ? Pour ceux qui se sont intéressé à la question, la réponse est « non ». C’est un secret de polichinelle, des photos de bulletins ont été monnayés contre espèces sonnantes et trébuchantes ! Une violation non seulement du secret du vote, mais aussi un achat ignoble du vote qui vient fausser le jeu démocratique. Alors, je me réjouis qu’enfin la CENI ait décidé de protéger plus vigoureusement le secret du vote du citoyen, coupant ainsi l’une des principales artères de l’achat des consciences.

Dans un tel contexte, l’électeur burkinabè est vraiment seul devant sa conscience une fois dans l’isoloir. Peu importe qui lui a distribué des billets de banque, de l’essence, des pagnes, etc., il est enfin libre de choisir. Bienvenus à la première élection vraiment libre du Burkina !

Toutes mes félicitations encore à la CENI et à son président, M. Newton Ahmed Barry pour cet événement dont la portée est hautement historique. À mon humble avis, il s’agit d’un fait de même envergure que le 05 août 1960, ou le 04 août 1983 ; les historiens en jugeront.

À l’annonce des résultats cette fois-ci, nous pourrons tous nous arrêter un instant pour penser que le peuple à enfin librement fait son choix ; à moins que les tricheurs n’aient encore trouvé une autre faille dans la sécurité de notre système !

Koudraogo Ouedraogo

Blog : http://burkinnafache2015.wordpress.com