«En attendant Zorro, chacun s’occupe de ses affaires.», Norbert Zongo


Beaucoup de burkinabè refusent de s’engager dans la lutte parce qu’ils espèrent un autre changement que par la lutte démocratique. Pour appeler un chat un chat, il faut se dire que habitude ou par lassitude, beaucoup de Burkinabè espèrent la « délivrance » par le putsch. Parce qu’ils en ont l’habitude. Quand ils disent : « ça ne peut pas continuer… », tout en restant calés dans leurs fauteuil, c’est qu’ils espèrent que quelqu’un d’autre fasse le travail à leur place. Et qui peut être ce sauveur de l’ombre ? L’Armée. Ils sont nombreux donc à espérer le putsch. La plupart de tous ceux qui refusent de lutter démocratiquement espèrent se réveiller un matin au son d’une fanfare. Inutile de leur expliquer que la solution n’est pas à ce niveau, qu’il faut changer la manière faire, de penser, de voir et de concevoir les réalités politiques. Il est vrai que quand rien ne va, la facilité est de crier « Armée au pouvoir ». Depuis 1966, ce slogan a toujours fait recettes : « L’armée au pouvoir ». Même quand elle y est déjà, comme c’est le cas à l’heure actuelle. 


Il est grand temps de voir les choses autrement, de comprendre qu’en dehors de l’Armée, nous pouvons faire changer les choses du meilleur côté par notre détermination à nous battre pour un monde meilleur. Nous pouvons obliger ce régime à reculer quelle que soit la décision qu’il prendra. Tout dépend de notre volonté à nous battre pour arracher plus de liberté. Nous l’avons vu avec la dernière grève du SYNTSHA. Cessons de nous trouver de fausses excuses du genre : « Ce régime-là tue ! »


Mais ayons conscience que c’est quand il y a une ou deux personnes à tuer qu’il tue.Aujourd’hui, si ce régime fait une centaine de morts dans la rue de Ouagadougou parce qu’il a pris l’habitude de traquer ses opposants à la grenade en pleine rue, il se fera plus du mal que de bien. Il en est conscient.


Seulement quand les citoyens, au lieu de lutter démocratiquement aliènent tout leur sort entre les mains de deux ou trois leaders syndicaux, quand chacun se terre dans sa cuisine ou hante les débits de boisson avec ce salamalec : « ça ne va pas ! » le pouvoir peut frapper à satiété ceux qui pointent leur tête.Après les vaines prières : « Dieu va changer les choses ! », chacun rumine ses peines en songeant au brave caporal-libérateur, Zorro des rêves putschistes qui meublent les nuits d’hommes et femmes qui refusent de se battre.


Des hommes et des femmes qui se libèrent par procuration. Alors on attend toujours le Zorro qui tarde à venir. Et pendant ce temps on collabore avec le régime ou on joue à l’opposition, un vilain jeu où tout le risque est de ne rien risquer. On sort le bout du nez un tract timide ou une déclaration lapidaire dans les journaux et on se prélasse dans son salon. Eurêka on lutte ! On dénonce le régime, on énumère le long chapelet de maux inhérents à l’exercice de son pouvoir mais on refuse de l’affronter sur le terrain réel. En attendant Zorro, chacun s’occupe de ses affaires. 

Norbert ZONGO, L’Indépendant n 253 du 7 juillet 1998

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