« Je suis né dans ce trou et je mourrai dans ce trou ! »

C’est dans « L’Âge de glace 2 », alors que la fonte des glaciers entraîne une migration en masse des animaux vers les hautes terres, le grand-père hérisson refuse de suivre la horde. Il refuse de fuir, et ne veut qu’une seule chose : rester dans son trou. Il s’exclame donc ainsi pendant que sa famille essaye de le retirer de force de son trou ! Une série que mon fils adore.

C’est une scène maintes fois répétée dans les films hollywoodiens : lorsque la catastrophe s’est abattu sur une terre et que tout le monde se réfugie ailleurs, il s’en trouve toujours un, têtu, qui refuse de fuir, d’abandonner la mère-patrie, préférant y mourir plutôt que d’aller vivre à l’étranger !

Étonnamment, cet amour de la mère-patrie ne semble pas exister chez beaucoup d’hommes politiques africains. Ou du moins, il existe, mais d’une autre façon. On aime la patrie, on l’aime tant que l’on reste aux affaires, éternellement. On veut même mourir aux affaires, mais à l’étranger :

Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa ZA Banga, pour lui donner son nom entier, l’architecte de l’authenticité, a présidé 32 ans au destin du Zaire, l’actuelle RDC. C’est pourtant au Maroc qu’il est mort d’un cancer maintes fois traité en Suisse, l’authenticité n’ayant jamais fait tache d’huile dans les structures sanitaires, puisque s’étant limitée juste à son nom.

Après 58 ans passés à la tête du Gabon, c’est dans une clique barcelonaise qu’El Hadj Bongo Ondimba, rendit l’âme.  L’homme qui se refusait à comparer les per diem des burkinabè aux salaires gabonais n’avait pas édifié des structures sanitaires à la hauteur de ses salaires.

Après 38 ans au poste de président de la République du Togo, c’est à bord d’un avion médicalisé que la mort allait rattraper Gnassingbé Eyadema dans sa fuite vers l’Europe pour se faire soigner. L’homme qui avait bâti la « petite Suisse de l’Afrique » en attirant à Lomé, sa capitale, les sièges de beaucoup d’institutions bancaires de la région (Ecobank, Orabank, BOAD, BIDC, Coris Bank, etc.), n’avait pas su accompagner ce succès avec des infrastructures sanitaires dignes.

Ils sont aussi nombreux ceux qui, après avoir fait le tour des cliniques européennes sont revenus rendre l’âme chez eux :

Félix Houphouët Boigny est resté à la tête de la Côte-d’Ivoire, depuis son indépendance en 1960, jusqu’à sa mort en 1993. L’homme qui a construit la plus grande basilique du monde en Côte-d’Ivoire, avait négligé d’y construire un hôpital digne du nom, lui qui était médecin de formation ! C’est donc en France qu’il alla se soigner de son cancer.

Umaru Yar’ Adua, un homme qui se réclamait volontairement marxiste, a été élu président du Nigeria en 2007. Commençaient aussi trois longues années d’évacuations sanitaires vers l’Allemagne et l’Arabie Saoudite pour des soins relatifs à son problème rénal. L’homme n’a fait que 3 ans au pouvoir puisqu’il mourut en 2010. La question que l’on se pose, est de savoir pourquoi un marxiste a voulu se soustraire au sort du peuple en allant s’offrir des soins ailleurs ou la majorité des masses prolétaires qui l’ont porté au pouvoir ne pouvait le suivre ?

En somme, pour l’élite politique africaine, n’importe quel trou pour mourir, est préférable à leur pays d’origine :

Mugabé qui fustige l’impérialisme à longueur de journée, ne pouvant pas se rendre en Europe ou en Amérique parce que, interdit de séjour dans ces pays se soigne en Malaisie, à Singapour et à Dubaï. Ses propres enfants se la sucrent en Afrique du Sud, plutôt que de vivre dans le Zimbabwé de leur père.

Dos Santos, un autre pilier du marxisme africain en Angola, vient de rentrer d’Europe où il a reçu des soins.

Paul Biya, président du Cameroun vit semble-t-il en permanence à Lausanne en Suisse où il se fait soigner ainsi qu’en Allemagne, pendant que sa femme préfère la France. C’est la honte de l’Union africaine.

Plus proche de chez nous, on se rappelle que le dictateur burkinabè Blaise Compaoré était allé se faire opérer d’une simple cataracte à Paris. Depuis son exil en Côte d’Ivoire, c’est plutôt au Maroc qu’il est allé se faire soigner de sa fracture du pied. Son hôte ivoirien lui-même, n’arrête pas de défrayer la chronique quant à ses nombreuses visites dans les cliniques et hôpitaux de France. L’on se rappellera que dès le lendemain de sa prestation de serment, c’était paradoxalement, en France qu’il s’était rendu pour son bilan de santé. Avec Idriss Déby du Tchad et Ali Bongo du Gabon, Alassane Ouattara est un habitué du très cher Hôpital américain de Neuilly. A. Ouattara s’apprête à quitter le pouvoir avec un bilan économique plus que positif, mais comment peut-il se retirer la conscience tranquille quand lui se soigne en France à coup de centaines de millions pendant que les Awa Fadiga meurent au CHU de Cocody sans même recevoir des soins préliminaires ?

Plus récemment, c’est Buhari, le président du Nigeria, qui vient de rentrer au pays après presque trois mois passés en Angleterre pour des soins médicaux.

Salif Diallo, deuxième personnalité politique du Burkina – Faso est mort en France après être passé en Tunisie pour des soins. Il s’agit là d’un fait qui contraste nettement avec les éloges qu’il nous a été donné d’entendre et de lire lors de ses obsèques. En effet, l’acte de se rendre à l’extérieur de son propre pays pour des soins, est en lui-même l’aveu d’un échec : une incapacité notoire à transformer qualitativement le sort de son pays ! Comment peut-on être resté aux affaires aussi longtemps dans son pays sans avoir pu lui offrir une structure sanitaire digne du nom ?

La mort de Salif Diallo à l’étranger dévoile au grand jour, 30 longues années d’échec, de médiocrité, d’antipatriotisme, d’égoïsme au sommet de l’État. On ne peut pas être patriote et, de son pays, donner à voir ce minable spectacle des évacuations sanitaires où les plus riches et les plus puissants rançonnent les plus pauvres pour aller se faire prolonger la vie ailleurs ! Imaginons un instant le tollé, si en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, etc., l’Etat permettait que certaines personnes, eu égard à leur « importance » supposée, puissent sauter la queue pour se mettre en première position sur une liste d’attente d’organe !

Il ne s’agit ni d’un problème d’argent, ni d’un problème de compétence. Nous formons aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos pays des médecins qualifiés. Tout ce qui leur manque, c’est l’expérience et les moyens appropriés pour mener à bon port leur mission. Il se trouve que nous préférons dépenser nos faibles ressources pour le bonheur de quelques privilégiés plutôt que pour le pays entier. En effet, certaines sources placent le coût d’un avion médicalisé à la bagatelle de 78 millions de nos francs et celui d’un séjour à l’hôpital américain de Neuilly à presque 200 millions CFA. L’argent ne manque donc pas pour construire et équiper dans nos pays les hôpitaux qu’il faille. C’est plutôt la vision, le patriotisme, la compassion qui manquent.

Nous avions demandé et obtenu sous la transition un arrêt des évacuations sanitaires aux frais de l’État. C’était pour mettre tout le monde dans la même barque et forcer les décideurs à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de l’état de nos structures sanitaires, ou alors, mourir dans le même trou que le reste du peuple : « Tous les burkinabé naissent libres et égaux en droits » peut-on lire à l’article premier de la Constitution ! Un article qui n’a plus aucun sens puisque le MPP, une fois au pouvoir, a ramené les évacuations sanitaires sans que même qu’aucun parti de l’opposition ou de la majorité, n’en questionne le mérite ! Il y a même lieu de saisir la cour constitutionnelle pour qu’elle se prononce sur le caractère anticonstitutionnel du système des évacuations sanitaires tel que présentement implémenter au Burkina-Faso.

Quel type de société sommes-nous, si nous décidons que le président de l’Assemblée Nationale, ou la présidente du PDC mérite plus d’être en vie que l’anonyme paysan de Kankalaba ? Sur la base de quels critères ? De quel droit ?

Koudraogo Ouedraogo

Blog : https://burkinafache2015.wordpress.com

Membre, Faso 2020 : http://faso2020.org

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