Au moins, une dizaine de raisons pour remercier le ministre de la Sécurité Intérieure du gouvernement !

Lors du dernier remaniement du gouvernement, l’administration territoriale a été séparée de la sécurité intérieure ; une façon de reconnaître plus ou moins officiellement, les insuffisances qui pouvaient être observées dans la gestion du super département d’alors. Plus d’un burkinabè a applaudi ce geste. Aujourd’hui, il faut aller un peu plus loin et simplement remercier le ministre de la sécurité intérieure du gouvernement. Pour cela, nous citerons au moins une dizaine de raisons :

C’était il y a une année, le 13 juin 2016, que le tout-puissant, ministre d’État, ministre de l’administration territoriale et de la sécurité intérieure annonçait au peuple du Burkina ses mesures (1) pour prévenir les bavures par lesquelles les kolgl-wéogo avaient fini par s’illustrer. Un an plus tard, le moins que nous puissions dire est que la situation n’est guère meilleure.

1-/ Le ministre de la sécurité intérieure nous avait promis que « Toute personne appréhendée en flagrant délit d’infraction à la loi pénale, doit être immédiatement remise aux forces de sécurité intérieure (la gendarmerie nationale et la police nationale) » ! Un an plus tard, nous savons que les kolgl-wéogo dont il est le secrétaire national, n’en ont que pis de cette mesure ! Pire, des citoyens sont morts aux mains des kolgl-wéogo (2) ! Il faut dire que dans cette violation flagrante de la directive du ministre de la sécurité, c’est plutôt sa réaction qui nous inquiète ! Le ministre s’est juste contenté d’exhorter les kolgl-wéogo à se mettre en règle avec la loi. Un jeune burkinabè a été tué sans raison, et tout ce que le ministre trouve à faire, c’est d’exhorter les kolgl-wéogo à se mettre en règle !

2-/ Le ministre de la sécurité intérieure nous avait promis que « les personnes sur qui pèsent des soupçons d’infractions doivent être dénoncées et signalées aux forces de défense et de sécurité qui se chargeront de leur interpellation ». Or, nous savons que cela n’est pas le cas (3). Nous savons que bien trop souvent, ces mêmes forces de défense et de sécurité sont réduites à un rôle d’observateur pendant que les infâmes kolgl-wéogo sévissent. Ils sont à la fois juge et justicier, et cela, au grand jour, au vu et au su du ministre de la sécurité intérieure !

3-/ Le ministre de la sécurité intérieure nous avait promis que « Sont formellement interdits, les séquestrations, les sévices corporels, les traitements humiliants et dégradants, les cotisations forcées, les amendes, les taxes, les contributions aux dépenses et les remboursements de biens dissipés ». Un an après, nous savons que si des citoyens sont morts aux mains des kolgl-wéogo (2), c’est bien parce qu’ils ont été victimes de sévices corporels (4) ! Tialgo, qui défraye la chronique nationale de nos jours, montre bien que des amendes sont toujours illégalement levées, et les kolgl-wéogo sont prêts à enfreindre les deux autres mesures du ministre de la sécurité intérieure pour exiger leur paiement !

4-/ Le ministre de la sécurité intérieure nous avait promis que « Sont également interdits, les déplacements en groupe avec port ostensible d’armes à feu ou d’armes blanches ». Une fois encore, c’est Tialgo qui nous démontre que les kolgl-wéogo n’ont aucune cure de la mesure, puisque c’est bien une maladresse dans la manipulation d’une arme à feu qui a mis le feu à la poudre !

En somme, notre puissant ministre d’État a beaucoup de peine à se faire entendre par ses propres kogl-wéogo, quoiqu’il en soit le premier secrétaire national ! Les bavures, loin d’avoir cessé semblent plutôt avoir pris de l’ampleur, et même, comme une maladie contagieuse, ont atteint les forces républicaines de sécurité intérieure.

5-/ Les actes d’indiscipline caractérisée des forces de sécurité intérieure à l’égard de notre presse nationale sont très bien documentés (6). Des bavures dénoncées par les différents corps de la presse, mais ces dénonciations semblent tomber dans l’oreille d’un sourd.

6-/ La population civile n’est pas en reste non plus. On se rappelle les évènements de Dédougou (7), sur lesquels, jusqu’à nos jours, aucun rapport d’autopsie n’a été rendu publique pour situer les burkinabè quant aux faits ! Pourtant, en pareille circonstance, le devoir de l’autorité devrait être de rassurer le citoyen qu’il est en sécurité une fois entre les mains des forces de sécurité. Mais nous savons que cela n’est même pas vrai puisque, à plusieurs reprises déjà, des citoyens ont été arrachés des mains des forces de sécurité pour être lynchés (8) ou remis en liberté même (9) . À y penser, il n’y a aucune différence entre le comportement de la horde et celui des kolgl-wéogo. En fait, on pourrait même dire que la foule des lyncheurs s’est constituée en kolgl-wéogo.

7-/ Pression démographique obligeant, le crime (de sang) est aujourd’hui une réalité quotidienne au Faso ! Un tour d’horizon dans la presse, et l’on s’aperçoit rapidement que la menace sécuritaire des burkinabè ne vient pas seulement des terroristes.

En effet, à l’intérieur même de nos villes, il existe des zones entières coupées à la circulation à partir d’une certaine heure, sauf si vous avez l’intention manifeste de vous faire voler. Ces zones sont connues des citadins, de la police et de la gendarmerie. Pourtant, elles existent toujours !

Ayant attendu en vain que les forces de sécurité et de défense viennent à leur secours, des femmes burkinabè ont pris sur elles la responsabilité de marcher pour porter à la connaissance de l’opinion nationale, qu’elles sont victimes quotidiennement de meurtre ! (5)

8-/ La menace terroriste, quant à elle, reste entière, et les terroristes ont même l’audace de s’attaquer directement à des postes de gendarmerie (10). Malgré les menaces verbales prononcées en son temps après l’attaque du Cappuccino, les terroristes courent toujours impunément.

Le Nord de notre pays, à en croire certains écrits est une portion territoriale sous occupation djihadiste, ou l’État du Burkina-Faso n’existe plus depuis longtemps. Les fonctionnaires préfèrent même éviter la région depuis la mort d’un des leurs (11). Le ministre de la sécurité intérieure lui-même le sait puisqu’il a encore promis, comme à son habitude, de résoudre le problème (12). Les populations du nord du Burkina-Faso attendent toujours (13).

On pourrait penser que nous en voulons à M. Simon Compaoré, en appelant à son remerciement du ministère de la sécurité intérieure. Il n’en est rien ! Nous en voulons plutôt au ministre de la sécurité intérieure.

Nous en voulons au ministre, parce que la situation sécuritaire est grave, et nous avons passé le cap des promesses et des discours vaseux, d’autant que des burkinabè sont tués, alors même que cela aurait bien pu être évité !

9-/ Les bavures aussi bien des kolgl-wéogo que des forces de sécurité sont quotidiennes. Les Burkinabè attendent une police des polices forte, dotée des moyens financiers et juridiques nécessaires pour ramener l’ordre dans les rangs. Que nous offre, à ce sujet, le ministre de la sécurité intérieur ?

10-/ Tout a été écrit sur les kolgl-wéogo. Ils défrayent la chronique depuis bien trop longtemps. Les burkinabè attendent que la loi définisse clairement ce qu’ils sont comme entité dans la république, leurs attributions et leurs responsabilités. À l’heure actuelle, ils ne représentent en réalité qu’une milice mafieuse qui pourrait très rapidement devenir aussi dangereuse que les milices des narcotrafiquants en Amérique latine. Quel ministre de la sécurité intérieure, conscient, pourrait-il encourager une telle évolution des choses surtout lorsque l’on sait que, les narcotrafiquants voient l’Afrique de l’ouest de plus en plus comme la voie idéale vers l’Europe ! Quelle aubaine si des gouvernements encouragent la création de milices ! Bientôt, elles seront mieux armées que les forces de police et l’armée régulière elle-même, et à ce moment, le pays entier sera sous leur contrôle (14). Cela s’est déjà fait en Amérique latine !

11-/ La menace terroriste a presque coupé le pays en deux. Les terroristes règnent en maître dans certaines régions où ils s’attaquent même aux institutions de l’État. Les burkinabè attendent que leur nouveau service des renseignements commence à produire des fruits. Ils attendent que, face au besoin accru d’échanger rapidement les renseignements, toute la sécurité intérieure soit repensée. À défaut de fusionner police et gendarmerie pour en faire une seule force, au moins une interface d’échange entre elles, et même avec l’armée et les services de renseignements devrait être mise en place. En lieu et place de réformes profondes pour relever le défi de la lutte antiterroriste, c’est l’armée que le ministre de la sécurité nous envoie au Nord. L’armée dissuadera les islamistes de tenter une occupation totale comme au Mali, mais elle ne pourra rien contre les attaques sporadiques. Le renseignement est la seule façon dont nous pourrons prévenir les attaques.

À défaut de nous offrir une vision de la sécurité intérieure du pays en cette période lourde de challenge, c’est plutôt à des promesses que nous avons droit de la part de notre ministre de la sécurité intérieure. Des promesses d’ailleurs, dont nous attendons encore la matérialisation. Et pendant que nous attendons, c’est au moins une centaine de citoyens qui ont perdu la vie entre les mains des kolgl-wéogo, des forces de sécurité, des grands bandits et des djihadistes. Des morts dont nous aurions pu nous en faire l’économie !

Combien d’orphelins, de veuves et de veufs faudrait-il compter avant que le président du Faso se décide à agir ? Combien de fois encore, le président du Faso lui-même devra-t-il venir au secours du ministre de la sécurité avant qu’il se décide à le remplacer ?

Une démission ne serait point acceptable, parce qu’elle nous priverait, en tant que citoyen de notre droit de sanction pour insuffisance de rendement et manque criard de vision.

On ne doit pas jouer à la politique avec la sécurité des burkinabè.  Nul n’en sortira gagnant.

 

Koudraogo Ouedraogo

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Références

 

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